La stratégie de Donald Trump face au blocage budgétaire et l’instrumentalisation du Filibuster
La paralysie d’une partie des services du gouvernement fédéral américain, désignée sous le terme de shutdown, résulte d’un échec cinglant du pouvoir législatif à s’entendre sur l’adoption d’une loi de finances. Ce blocage, en passe de devenir le plus long de l’histoire des États-Unis, met en lumière une crise institutionnelle profonde et la stratégie de confrontation menée par l’ancien Président, Donald Trump, qui cherche à imputer la responsabilité aux Démocrates tout en exigeant l’abolition du filibuster.
La pression sur le Congrès et la manœuvre politique
Dans un contexte où l’administration est fortement entravée par l’absence d’accord budgétaire entre les Républicains et l’opposition démocrate, Donald Trump a intensifié la pression sur ses propres alliés au Sénat. Il les exhorte à supprimer un mécanisme parlementaire crucial qui confère un pouvoir de blocage significatif à la minorité : le filibuster.
L’ancien Président a publiquement incité les Républicains à employer ce qu’il nomme la « Carte Trump » et à lancer l’« Option Nucléaire », soit l’élimination immédiate de cette règle de procédure.
Trump tente ainsi de contourner le mécanisme par lequel les Démocrates exercent une influence essentielle sur le processus législatif, même lorsqu’ils sont minoritaires.
Décryptage du Filibuster : un outil de la minorité
Le filibuster est une convention parlementaire ancienne aux États-Unis, permettant d’entraver l’examen d’une proposition de loi. Pour qu’un projet reprenne son cours normal et soit soumis au vote, l’accord des 60 sénateurs est requis.
Ce terme générique s’applique à toute tactique d’obstruction prévue par le règlement intérieur du Sénat. Historiquement, cela prenait la forme de discours fleuves destinés à épuiser le temps de la session. Aujourd’hui, il se manifeste plus souvent par la simple déclaration d’intention de faire obstruction, nécessitant quand même la barre des 60 voix pour y mettre fin.
Le filibuster a historiquement servi de garde-fou institutionnel, mais a tout autant été source de frustration pour les majorités des deux partis. La stratégie de polarisation adoptée par le camp trumpiste depuis des années a toutefois exacerbé son usage, rendant tout compromis bipartisan sur des textes fondamentaux, comme la loi budgétaire, de plus en plus ardu.
L’impasse budgétaire et le chantage à la santé
Le projet de loi de finances, soutenu par les Républicains, exige traditionnellement une majorité qualifiée de soixante voix (les trois cinquièmes) pour être adopté au Sénat. Avec seulement 53 sièges, la majorité républicaine est structurellement dépendante du ralliement d’au moins sept sénateurs démocrates.
Les Démocrates conditionnent leur soutien à la prolongation de programmes d’aide à la santé essentiels et imminents à l’expiration. À l’inverse, l’aile trumpiste des Républicains maintient une position rigide, insistant pour que la question du budget et celle des subventions de santé soient traitées séparément.
Trump a affiché une posture de défi et d’intransigeance, rejetant toute idée de « chantage » de la part de l’opposition. Il a clairement indiqué qu’il refuserait de négocier avant la fin du shutdown, et a prédit avec assurance que les Démocrates seraient contraints de céder.
Les conséquences humaines du blocage et l’hésitation républicaine
Si le blocage devait se prolonger au-delà de cette semaine, il surpasserait le précédent record de 35 jours établi sous le premier mandat de Donald Trump (2018-2019). L’incapacité du gouvernement à effectuer des dépenses entraîne la mise en congé forcé de milliers de fonctionnaires et la suspension des salaires pour le personnel essentiel, même si une rémunération rétroactive est promise après la résolution de la crise.
Malgré les pressions répétées de Trump, les dirigeants républicains du Sénat restent réticents à l’idée d’abolir le filibuster. Ils y voient une protection vitale pour leur parti, anticipant le jour où ils se retrouveront à nouveau dans l’opposition minoritaire face à une majorité démocrate.
La “clôture” (cloture), qui permet de forcer l’interruption du débat (Règle XXII, 1917) par 60 voix, représente l’alternative, mais sa modification pour exiger une majorité simple nécessiterait une majorité des deux tiers des sénateurs, une perspective irréaliste dans le climat politique actuel.


