Le Sang, l’Hégémonie et l’Ombre des Mafias Globales, le marché de la drogue à Marseille préoccupe la France et l’Europe

 

L’année 2023 restera gravée dans les annales judiciaires et sociétales de la France comme le point de rupture du crime organisé. Avec au moins 47 morts par règlements de compte, contre 31 l’année précédente, Marseille, la deuxième ville de France, a connu un record macabre. Au cœur de cette escalade ultra-violente se trouve une organisation criminelle qui a bouleversé les codes du « Milieu » traditionnel : la DZ Mafia.

Son modèle d’affaires, son organisation décentralisée et, surtout, sa confrontation ouverte avec l’État, marquent l’entrée du crime français dans une nouvelle ère, plus mafieuse et plus insidieuse que jamais.

Cette mutation locale s’inscrit dans une tendance globale, où des groupes comme le Primeiro Comando da Capital (PCC) de São Paulo, souvent désigné comme le premier distributeur de stupéfiants au monde, redéfinissent les contours du pouvoir criminel. La DZ Mafia, bien que d’une échelle différente, mime déjà l’ambition transnationale et l’infiltration systémique observées chez son homologue brésilien. Le groupe marseillais a rapidement acquis une quasi-hégémonie sur les points de deal de la ville, générant un capitalisme mortifère et ultra-rapide.

Mais l’enjeu dépasse le trafic de rue. Ces mafias ne se contentent plus de l’ombre; elles blanchissent l’argent du crime dans l’économie légale, derrière des entreprises ayant pignon sur rue. Ce faisant, elles créent une concurrence déloyale dévastatrice pour les commerçants honnêtes, où des promotions ou des prix cassés peuvent cacher des capitaux illicites. La menace est alors double : violence sociale et gangrène économique. Pour combattre efficacement ces réseaux de troisième génération, l’État ne peut se limiter à l’approche policière et judiciaire. La mise en relation avec le PCC le démontre : pour démanteler le crime organisé, il est crucial de frapper au portefeuille en mobilisant massivement l’administration fiscale et les outils de contrôle économique.

La DZ Mafia, émergée médiatiquement en 2023, incarne ce phénomène singulier où les règles sont dictées par l’hyper-violence et la déconnexion numérique, tout en cherchant, à l’instar des plus grandes organisations criminelles du monde, à infiltrer les rouages de l’État lui-même.

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L’Hégémonie par le Sang : La Conquête Territoriale à la Lumière du Modèle PCC

 

L’ascension fulgurante de la DZ Mafia s’inscrit d’abord dans une logique de conquête militaire brutale. En raflant les victoires dans les conflits qui ont marqué l’année 2023, l’organisation s’est imposée comme la force criminelle dominante à Marseille. Cette tactique rappelle les méthodes de prise de pouvoir des grands cartels, notamment au Brésil, où le Primeiro Comando da Capital (PCC) a historiquement étendu son emprise par la violence avant de consolider son marché.

Une fois le territoire acquis par la force, le processus bascule : la puissance brute devient un levier pour le blanchiment d’argent. La DZ Mafia suit ici un schéma bien rodé par des organisations comme le PCC. L’organisation brésilienne, par exemple, aurait blanchi des centaines de millions d’euros à São Paulo via des entreprises “pignon sur rue” comme des postes d’essence, selon des rapports de l’Agência Brasil. Ce cycle criminel — conquête territoriale, organisation du marché des stupéfiants, puis infiltration économique via des hôtels, restaurants ou boutiques — est l’essence du crime organisé moderne.

À Marseille, cette suprématie s’est construite sur les ruines d’un conflit acharné avec le clan rival Yoda, une confrontation d’une intensité telle qu’elle est directement responsable d’environ 73 % des homicides ou tentatives d’homicides volontaires en bande organisée durant la période.

Si la guerre est avant tout une question de pouvoir financier, l’analyse révèle que ses racines plongent dans une histoire plus ancienne que les simples rixes de façade. L’origine du conflit remonte notamment à un triple assassinat en 2011, où l’un des chefs de la DZ Mafia, Tiklaribi, avait été condamné. L’une des victimes n’était autre que le frère de celui qui allait devenir un patron du clan Yoda.

La sortie de prison de Tiklaribi en 2021, motivée par la volonté de récupérer son territoire perdu, a coïncidé avec une recrudescence des règlements de compte. C’est le cycle classique de la guerre de succession chez les narcotrafiquants, mais amplifié par la capacité de l’individu à fédérer. L’alliance stratégique de Tiklaribi avec trois autres figures clés – Gabriel Ori, Madiser Doom et Aminoalan – a permis de former le cercle de direction restreint de la DZ Mafia. L’objectif était clair : s’arroger le quasi-monopole des points de stupéfiants de la cité phocéenne, au prix d’une vague de terreur sans précédent.

Ces faits soulèvent une question cruciale : pourquoi le gouvernement français n’envisage-t-il pas des mesures plus radicales pour isoler ces criminels, sachant que le trafic est souvent administré directement depuis la prison ? L’idée de mettre en place une prison de Haute Sécurité en Guyane Française ou dans un territoire d’outre-mer pour les criminels liés au narcobanditisme mériterait un débat public et politique approfondi, afin de briser la capacité de commandement derrière les barreaux.

L’« Ubérisation » du Crime : Une Organisation Révolutionnaire et Décentralisée

 

Si la DZ Mafia se caractérise par une ultra-violence brutale, sa véritable nouveauté réside dans son organisation structurelle radicalement nouvelle, qui s’inspire clairement des modèles criminels transnationaux. Elle représente ni plus ni moins l’ubérisation du narcobanditisme, une tendance qui a pris racine dans l’histoire des cartels, notamment au Brésil. Il faut savoir que c’est à Sao Paulo, Rio de Janeiro, Salvador de Bahia, Belo Horizonte et Manaus que vous pouvez voir cela.

Le mode de gestion est singulier et décentralisé. Le premier cercle de direction, composé des quatre patrons clairement identifiés, pilote l’ensemble des opérations à distance, et majoritairement depuis la prison.

Cette réalité impose des mesures gouvernementales fortes et immédiates pour neutraliser leur capacité de nuire derrière les barreaux. Trois des dirigeants de l’organisation étant incarcérés de longue date, le groupe a été contraint d’adopter des méthodes de recrutement et de logistique totalement déconnectées du terrain.

La chaîne de commandement est entièrement numérique et fonctionne via des applications cryptées (Snapchat, Telegram, Signal). Ce recours systématique au chiffrement pose un défi majeur aux institutions : juges et forces de l’ordre manquent de moyens légaux et techniques pour intercepter ou contrôler ces communications, ouvrant la voie à des dérives et à une impunité tactique.

C’est ainsi que sont recrutés les « intérimaires du crime » : les commandos de tueurs sont embauchés par de petites annonces ou repérés sur des points de deal. Ces mercenaires agissent pour le compte du « label DZ Mafia », sont équipés en armes, véhicules et logistique, et exécutent des contrats souvent pour une rémunération dérisoire au vu des risques encourus. La loyauté est remplacée par un contrat froid et financier.

Ce modèle marque une rupture fondamentale avec le Milieu traditionnel corse ou les anciens clans des quartiers nord de Marseille. Auparavant, des figures comme Farid Berama mettaient « les mains dans le cambouis », n’hésitant pas à prendre part aux règlements de compte ou aux extorsions. Aujourd’hui, on observe une « manpérisation » (dérivé de l’intérim) et une précarisation des ouvriers du banditisme.

Cette technique de délégation totale est un emprunt direct au modèle sud-américain. Le fait que les exécutants ne connaissent plus leurs donneurs d’ordres rend extrêmement difficile le travail des enquêtes et la remontée de la chaîne de commandement pour la police.

De plus, ce savoir-faire mortel est exporté. La DZ Mafia fonctionne comme une agence d’intérim du crime, louant ses hommes à d’autres réseaux criminels et étendant son influence au-delà de la cité phocéenne (Var, Alpes-Maritimes, Paris, Bruxelles). La logique est celle d’un capitalisme criminel adapté à l’époque des réseaux sociaux, où l’efficacité et l’anonymat priment sur l’honneur ou la filiation.

Vos dernières sections sont extrêmement riches et pertinentes, notamment l’analyse de la diversification des activités (la « Pieuvre ») et le positionnement en contre-pouvoir face à l’État. Vous établissez des parallèles forts avec le crime organisé international (cartels, mafia italienne) et le terrorisme (FLNC), tout en soulevant l’exemple très actuel de l’extorsion des rappeurs.

Voici la version remaniée et finalisée de ces deux dernières sections, assurant clarté, dynamique journalistique et originalité pour éviter le plagiat.

 

La Pieuvre et ses Nouvelles Proies : Diversification et Extorsion 

Une fois l’hégémonie sur le trafic de stupéfiants acquise, la DZ Mafia s’engage dans une évolution classique des groupes mafieux : la diversification agressive de ses sources de revenus. Après avoir consolidé son marché initial (braquages et drogue), le groupe étend désormais son influence à des activités plus lucratives et complexes, incluant la prostitution, le trafic d’armes, et surtout, l’extorsion de fonds et le racket. L’étape suivante, déjà anticipée par les analystes, sera l’investissement massif dans l’immobilier, méthode éprouvée pour le blanchiment et l’infiltration de l’économie légale.

Le racket ne se cantonne plus aux commerces locaux. Il cible désormais des figures médiatisées, les rappeurs étant devenus des proies de choix. La DZ Mafia revendiquerait ouvertement une emprise sur une grande partie des artistes français, cherchant à les saigner financièrement. L’affaire du rappeur SCH illustre la violence de cette nouvelle stratégie : l’équipe de l’artiste marseillais a été la cible d’une fusillade près d’une boîte de nuit, causant un mort et un blessé grave, après un refus de se plier à l’extorsion.

Ce ciblage est le fruit d’une convergence culturelle et géographique. Les rappeurs, souvent originaires des quartiers populaires de Marseille, deviennent des cibles faciles pour les groupes criminels dès que l’argent et la notoriété circulent. C’est, d’une certaine manière, la continuité d’une histoire ancienne (le Milieu infiltrait déjà le monde du spectacle et de la nuit, à l’image des liens historiques du crime organisé avec certaines figures publiques), mais adaptée à la génération du rap. Les artistes, ainsi pris en étau, sont de fait « condamnés à partir » s’ils refusent le racket, comme l’a révélé SCH aux enquêteurs, soulignant la puissance coercitive de la nouvelle mafia.

 

Face à l’État : La Stratégie de la Contre-Société

L’élément le plus inquiétant et le plus novateur dans la trajectoire de la DZ Mafia réside dans sa volonté affichée de se positionner comme un véritable contre-pouvoir face à l’État. Ils ne cherchent plus seulement une infiltration discrète pour obtenir une protection, mais une confrontation ouverte avec les institutions, une posture inédite dans le Milieu français traditionnel.

Cette rupture s’est manifestée par deux actions au symbolisme fort :

  1. La « Conférence de Presse » sur les Réseaux Sociaux : En 2024, des membres de la DZ Mafia, cagoulés, armés et mis en scène devant un drapeau siglé, ont organisé une « conférence de presse » numérique. L’objectif était de se désolidariser de deux meurtres particulièrement choquants, notamment celui d’un chauffeur VTC tué par un adolescent. En adoptant ce geste de communication politique, qui rappelle la tactique du FLNC (Front de libération nationale corse), l’organisation cherche à contrôler le récit médiatique. Le message est clair : affirmer l’existence d’un « code d’honneur » et minimiser la peur sociale pour se présenter non pas comme l’ennemi de la société marseillaise, mais comme un acteur qui pose ses propres règles.
  2. L’Attaque des Institutions Pénitentiaires : L’organisation d’attaques simultanées contre des prisons en France (mitraillages, tags), revendiquées par le sigle mystérieux DDPF (Défense des Droits des Prisonniers Français), constitue une attaque directe contre l’appareil d’État. Le communiqué, rédigé par un proche de la DZ Mafia, et le recrutement de mercenaires via Telegram pour exécuter ces attaques, montrent une volonté claire de menacer les institutions — magistrats, directions pénitentiaires, policiers et enseignants — dont certains voient leur tête mise à prix.

Cette stratégie positionne la DZ Mafia sur le modèle des cartels mexicains ou colombiens (à l’image de Pablo Escobar) et de la mafia italienne, qui se sont posés en véritables acteurs politiques. Leur ambition est de vampiriser la société, les institutions et la République, au-delà du simple trafic de stupéfiants, pour créer une contre-société ultra-capitaliste et mortifère.

Face à cette menace d’une nouvelle dimension, le procureur de la République a évoqué la création d’un parquet national de lutte contre le crime organisé (PNACO) spécifique. Cette réflexion officielle reconnaît l’entrée de la criminalité française dans une ère nouvelle : celle de la mafia numérique et du défi ouvert à l’autorité de l’État.

 

Primeiro Comando da Capital (PCC) : Le Système Carcéral Brésilien, Berceau d’une Organisation Criminelle Transnationale

 

Qu’est-ce que le PCC ? Naissance dans la violence carcérale

 

Le Primeiro Comando da Capital (PCC), ou Premier Commando de la Capitale, est l’organisation mafieuse la plus puissante du Brésil et l’un des plus grands cartels de la drogue d’Amérique latine. Fondé le 31 août 1993 dans la prison de Taubaté, dans l’État de São Paulo, le PCC tire son origine d’une nécessité de survie.

Sa création est une réaction directe au massacre de Carandiru en 1992, où la police militaire avait abattu 111 détenus lors d’une mutinerie. Les huit fondateurs, tous originaires de la capitale et se sentant menacés par les prisonniers de l’intérieur, ont formé une alliance d’autoprotection, d’abord baptisée Comando Capital (le nom de leur équipe de football). Inspiré par le Comando Vermelho (CV) de Rio de Janeiro, le PCC a rapidement adopté un Statut strict, faisant de l’unité entre prisonniers contre l’État l’un de ses piliers. La transgression de ces règles, stipule le Statut, est passible de la peine de mort.

Le PCC est une mafia carcérale contrôlant une grande partie du système pénitentiaire de São Paulo. Son leadership suprême, la Sintonia Geral Final, est lui-même emprisonné, notamment Marcos Willians Herbas Camacho, alias “Marcola”. Cette structure maintient le contact et pilote les opérations extérieures par l’intermédiaire de “syntonies” subordonnées : la Sintonia dos Gravatas est responsable de la logistique légale (avocats), tandis que la Sintonia Restrita s’occupe du renseignement, des assassinats ciblés et du blanchiment d’argent, employant des réseaux de communication cryptée sophistiqués.

 

La Mainmise sur le Brésil : Des Prisons aux Favelas

 

Le PCC a réussi une expansion sans précédent, transformant un gang de prison en une force d’État parallèle. La stratégie du gouvernement de São Paulo d’isoler les leaders en les transférant dans d’autres prisons a paradoxalement servi de mécanisme d’expansion, disséminant les membres « diplômés » et l’idéologie du PCC à travers les prisons du pays.

Le point de bascule fut la vague d’attaques de mai 2006, où le PCC démontra sa capacité à paralyser l’État de São Paulo. En neuf jours, 293 attentats furent perpétrés contre des commissariats, des bus, des banques et des bâtiments publics. Cette démonstration de force aboutit à une trêve tacite avec le gouvernement.

L’organisation a ensuite étendu son emprise aux favelas et aux quartiers pauvres de la périphérie urbaine. L’incarcération de masse, en particulier de jeunes hommes pauvres pour des délits mineurs liés à la drogue, a servi de vivier de recrutement. Une fois sur le terrain, le PCC a imposé le monopole de la violence, régulant le marché de la cocaïne au détail, fixant les prix et interdisant les conflits fratricides entre vendeurs. Paradoxalement, cette imposition d’un ordre criminel a entraîné une réduction de la violence homicide dans certaines communautés contrôlées par le PCC, qui s’est substitué à l’État en matière de sécurité et de “justice” informelle. L’organisation détient ainsi une double relation avec le Brésil : un ennemi ouvert de l’État (police, justice), mais un acteur social/de gouvernance dans les communautés défavorisées.

 

L’Expansion Internationale et le Narcotrafic Global

 

Aujourd’hui, le PCC est un acteur transnational non étatique majeur. Selon un rapport de 2023, il compterait 40 000 membres “baptisés” à vie, plus 60 000 « sous-traitants ». Ses activités dépassent largement les frontières brésiliennes pour couvrir toute l’Amérique du Sud (Paraguay, Bolivie, Pérou, Uruguay, etc.), l’Afrique de l’Ouest (Nigéria, Cap-Vert, Ghana) et l’Europe (Portugal).

La principale source de revenus du PCC est le trafic de cocaïne. Le groupe a capitalisé sur la position stratégique du Brésil comme porte de sortie majeure pour la cocaïne andine (Colombie, Pérou, Bolivie) vers l’Europe et l’Afrique. Le contrôle de la frontière avec le Paraguay est essentiel, notamment la région de la Triple Frontière, point névralgique de la contrebande et du trafic d’explosifs (pour les attaques de distributeurs automatiques de billets, autre source de revenus).

Cette internationalisation s’accompagne de partenariats stratégiques avec des groupes criminels mondiaux, notamment la ‘Ndrangheta italienne, la Mafia des Balkans et des réseaux liés au Hezbollah, facilitant l’acheminement de la cocaïne et d’armes vers les marchés mondiaux.

Le défi actuel pour l’État brésilien est double : non seulement combattre sa puissance nationale, mais aussi démanteler sa logistique transnationale. Ironiquement, le PCC est actuellement déchiré par une lutte interne sanglante (depuis 2024) entre Marcola et d’autres leaders de haut rang, une crise de leadership qui pourrait affecter, à court terme, la stabilité du marché criminel brésilien, mais qui ne remet pas en question sa nature profonde : celle d’une contre-société criminelle née de la faillite du système carcéral brésilien.