Crise du Logement du logement dans le var qui paralyse l’économie et exclut les travailleurs
Le Var, ses paysages de carte postale, son attractivité économique et son soleil. Mais derrière la façade idyllique, une réalité brutale s’installe : des salariés, essentiels au fonctionnement du département, sont contraints de dormir dans leur voiture, faute de pouvoir se loger. C’est le paradoxe d’un territoire qui attire chaque année 7 500 nouveaux habitants et affiche une croissance démographique de +0,7 %, bien supérieure à la moyenne nationale, mais qui est devenu structurellement incapable de loger sa propre main-d’œuvre. Loin d’être un simple trou d’air conjoncturel, la crise du logement varoise est une défaillance systémique, née d’une tempête parfaite mêlant paralysie administrative, vents contraires économiques et profondes distorsions du marché. Une enquête en trois temps sur un département au bord de l’asphyxie.
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L’Arrêt des Bâtisseurs : Anatomie d’un Effondrement
À la racine du mal se trouve un effondrement quasi total de la construction neuve. Le premier obstacle est un véritable mur administratif et juridique. Selon Fabien Piersanti, vice-président de la fédération du BTP du Var, la situation est alarmante : en 2023, 50 % des permis de construire ont été attaqués en justice dans le département, un chiffre qui grimpe à 80 % sur le littoral. Ce blocage, alimenté par une faible “acceptabilité des chantiers” et complexifié par des réglementations nationales comme le “Zéro Artificialisation Nette” (ZAN), a créé une paralysie de fait.
Même lorsqu’un permis est obtenu, l’équation économique est devenue insoluble. L’envolée des coûts des matériaux et de l’énergie, couplée à la hausse brutale des taux d’intérêt, a pulvérisé le pouvoir d’achat des acquéreurs et engendré une “crise de financement” aiguë. Les chiffres officiels illustrent l’ampleur du désastre : en 2023, le Var n’a enregistré que 6 010 mises en chantier, soit une chute de 40 % par rapport à 2020. Le nombre de permis accordés a, lui, dévissé de 31,5 % en une seule année. Cette crise locale s’inscrit dans un contexte national où le secteur du bâtiment anticipe une récession historique, menaçant 100 000 emplois à l’horizon 2025.
Le Marché Locatif Saturé : L’Asphyxie par la Pénurie
La conséquence directe de ce gel de la construction est un marché locatif sous une pression insoutenable. Les aspirants à la propriété, bloqués par les prix et les taux, ne quittent plus leur location. “Les locataires ne quittent plus leur logement, d’autant qu’ils ne peuvent pas acheter non plus”, confirme un rapport de l’Observatoire Immobilier Provence (OIP). Ce phénomène a fait s’effondrer le taux de rotation des locataires à un niveau critique de 2,5 % et le taux de vacance à seulement 5 %. Le marché est gelé, créant un “grand enfermement” pour des milliers de ménages.
Cette pénurie est aggravée par deux phénomènes. D’une part, “l’effet Airbnb” retire massivement des biens du marché locatif à l’année. Des propriétaires préfèrent des baux précaires de neuf mois pour libérer leur logement l’été et maximiser leurs profits, un “scandale” dénoncé par les associations locales. D’autre part, le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), malgré ses bonnes intentions, risque d’aggraver la crise. La FNAIM 83 alerte sur le fait que de nombreux propriétaires de logements classés G, F ou E, incapables de financer les rénovations, pourraient simplement retirer leurs biens du marché locatif.
Pour ceux qui cherchent à se loger, la situation est un parcours du combattant. Les rares biens disponibles voient leurs prix flamber, créant un marché à deux vitesses entre les locataires en place et les nouveaux entrants.
Sources : OLL/ADIL du Var , MeilleursAgents
Le tableau ci-dessus, comparant les données officielles de 2023 à celles du marché en 2025, révèle une accélération brutale des loyers, particulièrement dans les zones déjà tendues.
La Fracture Socio-Économique : Un Frein pour l’Emploi et les Entreprises
Cette crise n’est plus un simple problème de logement ; elle est devenue le principal frein au développement économique et à la cohésion sociale du Var. Les chiffres sont sans équivoque : près d’un recrutement sur cinq (19 %) échoue à cause des difficultés de logement du candidat , et 27 % des salariés quittent leur entreprise pour cette même raison. La préfecture elle-même reconnaît que la situation est un “frein à la mobilité professionnelle et au recrutement” et un obstacle à la “croissance économique”.
Le Var, dont l’économie repose sur des piliers comme la défense (le BTP étant le deuxième employeur du département ), le tourisme et l’agriculture, est en train de scier la branche sur laquelle il est assis. Les entreprises peinent à recruter, notamment les saisonniers, essentiels à l’industrie touristique. Pendant ce temps, la bombe sociale continue de se charger. La demande de logement social explose, avec un record de 45 000 ménages en attente pour seulement 1 500 logements livrés par an en moyenne. Une situation aggravée par le fait que 44 communes du département refusent délibérément d’appliquer la loi SRU qui impose un quota de logements sociaux.
En réalité, la crise du logement opère un tri social et économique. Elle favorise les touristes et les hauts revenus au détriment de la main-d’œuvre locale et des jeunes ménages. Sans un sursaut politique majeur, le Var risque de devenir un territoire à deux vitesses : une vitrine pour les visiteurs fortunés, incapable de loger ceux qui la font vivre au quotidien.
Pistes de Sortie : Reconstruire une Politique du Logement
Sortir de l’impasse exige une mobilisation générale. Les professionnels du secteur avancent plusieurs pistes :
- Relancer la construction : Réintroduire des dispositifs d’aide à l’accession (Prêt à Taux Zéro) et à l’investissement locatif (type Pinel), tout en soutenant activement les “maires bâtisseurs” qui s’engagent à délivrer des permis.
- Rééquilibrer le marché locatif : Mieux réguler les meublés touristiques et créer un statut fiscal stable et avantageux pour les bailleurs privés s’engageant sur des locations longue durée.
- Créer un pacte emploi-logement : Mettre en place une structure pilotée par l’État, les collectivités et les entreprises pour financer et construire des logements dédiés aux actifs des secteurs clés, comme les saisonniers ou les salariés de l’industrie.
Sans une action rapide et coordonnée sur ces trois fronts, la question ne sera plus de savoir si le Var peut encore loger ses travailleurs, mais s’il aura encore des travailleurs à loger.