Démission de Sébastien Lecornu : Autopsie du Gouvernement le plus Éphémère de la Vème République
Le 6 octobre 2025, la France s’est réveillée avec une nouvelle secousse politique, aussi brève que violente. Moins de 24 heures après sa nomination, le Premier ministre Sébastien Lecornu présentait déjà sa démission et celle de son gouvernement, un acte accepté par l’Élysée. Ce mandat, le plus court de toute l’histoire de la Vème République, n’est pas une simple anecdote institutionnelle ; il est le symptôme le plus spectaculaire de la paralysie totale du système politique français et de l’impasse dans laquelle se trouve le Président Emmanuel Macron.
Cette démission éclair n’est pas le fruit du hasard, mais une manœuvre tactique face à un échec annoncé. En choisissant la “continuité” et en nommant des figures bien connues des précédents gouvernements Macron, comme Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire, l’exécutif a envoyé un message perçu non comme une main tendue, mais comme une provocation. La réponse des oppositions a été immédiate et unanime : avant même que le gouvernement ne puisse se réunir, la gauche (PS, Écologistes, LFI) annonçait déjà le dépôt d’une triple motion de censure. La chute n’était plus une question de “si”, mais de “quand”. En démissionnant, Sébastien Lecornu n’a fait qu’anticiper une censure parlementaire qui s’annonçait inéluctable, choisissant de court-circuiter l’humiliation d’un renversement dans l’hémicycle.
Un Gouvernement Mort-Né : L’Échec de la Stratégie de Continuité
La composition du gouvernement Lecornu, annoncée le dimanche 5 octobre 2025, a été le catalyseur de sa propre fin. En reconduisant des ministres considérés comme des piliers de la politique menée depuis 2017, Emmanuel Macron a fait le pari de la fermeté et de la continuité, ignorant la réalité arithmétique d’une Assemblée nationale sans majorité présidentielle. Pour les oppositions, ce casting a été interprété comme un “bras d’honneur aux Français” et le retour des “ministres les plus honnis”.
Aujourd’hui, comme d’habitude, loin de chercher un compromis ou une figure capable de rassembler au-delà de son camp, le Président a choisi des “hommes de confiance”, signalant son intention de ne pas dévier de sa ligne politique. Cette stratégie s’est heurtée de plein fouet au mur parlementaire. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti Socialiste, avait prévenu dès le 4 octobre : “Nous nous dirigeons tout droit vers la censure” si “la donne ne change pas”. La nomination de Sébastien Lecornu, perçue comme une tentative de rallier la droite LR sans véritables concessions, et le maintien de figures clivantes ont immédiatement soudé contre eux une majorité de députés, de La France Insoumise au Rassemblement National. Le gouvernement était donc mort-né, incapable de survivre à son premier test : le discours de politique générale qui aurait inévitablement déclenché le vote des motions de censure.
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Les Raisons d’une Chute Stratégique
La démission de Sébastien Lecornu est avant tout un acte de réalisme politique visant à éviter une nouvelle débâcle pour l’exécutif. Après les chutes successives des gouvernements Barnier (censuré en décembre 2024) et Bayrou (renversé en septembre 2025), un troisième renversement en moins d’un an aurait été dévastateur pour l’autorité présidentielle déjà fortement ébranlée .
En se retirant avant même le combat, le gouvernement a privé les oppositions de leur victoire. C’est un aveu d’impuissance, mais un aveu contrôlé. Plutôt que de subir une motion de censure qui aurait mis en lumière, une fois de plus, l’isolement du camp présidentiel, l’Élysée a préféré prendre les devants. Cette tactique du retrait préventif souligne la profondeur de la crise : le Président n’est plus en mesure de nommer un gouvernement capable, non pas d’obtenir une majorité, mais simplement de survivre à sa première semaine d’existence. L’article 8 de la Constitution, qui donne au Président le pouvoir de nommer le Premier ministre, est devenu une prérogative théorique, vidée de sa substance par la réalité parlementaire .
Implications Politiques : La France dans l’Ingouvernabilité
La démission du gouvernement Lecornu en moins d’une journée marque un point de bascule. Elle ne résout rien et, au contraire, aggrave la crise politique en exposant crûment l’ingouvernabilité du pays . Emmanuel Macron se retrouve plus que jamais prisonnier du labyrinthe institutionnel qu’il a lui-même créé en dissolvant l’Assemblée en juin 2024.
Quelles sont ses options?
- Nommer un nouveau Premier ministre? La question est de savoir qui pourrait accepter une mission jugée impossible. Chaque échec rend la tâche du suivant encore plus ardue et réduit le bassin de candidats crédibles.
- Dissoudre à nouveau l’Assemblée? C’est constitutionnellement impossible. L’article 12 de la Constitution interdit une nouvelle dissolution dans l’année qui suit les élections nées de la précédente. Le Président ne retrouvera cette arme qu’en juillet 2026.
- Démissionner? C’est le scénario réclamé par de nombreuses oppositions, mais qu’Emmanuel Macron a toujours refusé, affirmant vouloir aller au terme de son mandat en 2027. Une démission présidentielle ouvrirait une période d’incertitude maximale, avec une élection présidentielle anticipée sous 35 jours, à laquelle il ne pourrait pas se représenter.
La conséquence la plus probable est une prolongation du vide politique, avec un gouvernement démissionnaire chargé d’expédier les “affaires courantes”. Cette situation de paralysie durable empêche le vote de toute loi importante, à commencer par le budget, et plonge le pays dans une incertitude économique et sociale délétère.
En conclusion, l’épisode Lecornu restera dans les annales comme le symbole d’une Vème République à bout de souffle. Il illustre la collision frontale entre une “hyper-présidentialisation” du pouvoir et un parlement fragmenté qui a repris la main . La crise n’est plus seulement politique, elle est devenue une crise de régime, où les outils constitutionnels semblent désormais inopérants. La France est suspendue à une question : comment gouverner quand il n’y a plus de majorité possible?
- Lisez notre article : Et si Macron démissionné