Donald Trump va attaquer le Venezuela, ce n’est pas une blague.
Une révélation explosive du New York Times en date du 15 octobre 2025 a mis le feu aux poudres dans une région déjà sous haute tension. Selon des informations recueillies auprès de hauts fonctionnaires américains, l’administration du président Donald Trump aurait accordé à la Central Intelligence Agency (CIA) une autorisation présidentielle (presidential finding) d’une portée exceptionnellement large pour mener des actions secrètes au Venezuela. Cette directive, qui va bien au-delà des activités de renseignement classiques, engloberait explicitement la possibilité d’« opérations létales » et d’« actions cinétiques » – un euphémisme pour des opérations violentes pouvant inclure des assassinats ciblés.

Trump photo officielle
Bien que les détails opérationnels restent classifiés, la nature même de ce type de directive étant le secret, la cible désignée ne fait guère de doute : le président Nicolás Maduro et les hautes sphères de son gouvernement.
Cette décision marque une escalade dramatique dans la confrontation entre Washington et Caracas, plaçant le Venezuela dans le viseur direct de l’appareil de renseignement américain, une position périlleuse qui a historiquement précédé des changements de régime ou des déstabilisations majeures.
Pour l’heure, aucune opération spécifique n’a été confirmée, mais le simple fait que l’autorisation ait été accordée transforme radicalement le paysage stratégique. Le message envoyé à Caracas est sans équivoque : la patience de Washington est à bout, et toutes les options, y compris les plus extrêmes, sont désormais sur la table.
La fuite quasi-certainement délibérée de cette autorisation présidentielle constitue en elle-même un acte de guerre psychologique. Une opération véritablement secrète le resterait. Sa divulgation par des « hauts fonctionnaires » anonymes sert un double objectif stratégique : d’une part, elle confère à la CIA la latitude juridique et politique nécessaire pour agir ; d’autre part, elle envoie une menace directe mais non officielle à Maduro et à son cercle rapproché. Cette ambiguïté stratégique est conçue pour instiller une peur et une paranoïa maximales au sein du régime vénézuélien, le forçant à détourner des ressources précieuses vers le contre-espionnage, à remettre en question la loyauté de chaque commandant et à opérer sous la menace constante d’une élimination physique. Washington peut ainsi augmenter la pression de manière significative tout en conservant une forme de déni plausible, obligeant ses adversaires à deviner ses véritables intentions.
Cette guerre psychologique est soutenue par une démonstration de force militaire tout à fait tangible. L’argument officiel d’une simple opération anti-drogue est contredit par l’ampleur et la nature du déploiement militaire américain dans le sud des Caraïbes. Depuis la mi-août 2025, les États-Unis ont amassé une force qui semble largement disproportionnée pour la seule interception de narcotrafiquants. Des analystes militaires, tels que Carlos Gustavo Poggio du Berea College, soulignent l’inadéquation du matériel déployé pour une mission de lutte contre le trafic de stupéfiants. L’arsenal est manifestement conçu pour une intervention militaire contre un acteur étatique, et non pour intercepter des vedettes rapides. Cette analyse est partagée par des experts comme Maurício Santoro, qui compare la situation au renforcement militaire américain au Moyen-Orient face à l’Iran, y voyant une indication claire du sérieux des intentions de Washington.
Ce déploiement massif s’inscrit dans une logique de diplomatie coercitive. La menace crédible de la force est utilisée pour atteindre des objectifs politiques sans nécessairement recourir à son plein emploi. L’objectif, tel que décrit par des analystes, est d’« intimider les fonctionnaires et les militaires qui entourent Maduro pour qu’ils le laissent tomber ». En forçant les Forces armées nationales bolivariennes (FANB) à un état d’alerte permanent, Washington épuise leurs ressources et teste leur état de préparation, tout en démontrant aux alliés régionaux et aux adversaires mondiaux, notamment la Russie et la Chine, la détermination des États-Unis. Le site d’information Axios a d’ailleurs révélé que Donald Trump aurait demandé à ses conseillers un « menu d’options » concernant le Venezuela, n’excluant pas une invasion à terme.
Catégorie | Unités et Systèmes d’Armes | Effectifs Estimés | Source |
U.S. Navy | Groupe aéronaval amphibie (Iwo Jima ARG / 22nd MEU) | ~4 500 | |
Destroyers lance-missiles (classe Arleigh Burke) | N/A | ||
Croiseur lance-missiles (classe Ticonderoga) | N/A | ||
Sous-marin nucléaire d’attaque (classe Los Angeles) | N/A | ||
Navire d’opérations spéciales (Ocean Trader) | N/A | ||
U.S. Air Force | Bombardiers stratégiques (B-52 Stratofortress) | N/A | |
Chasseurs furtifs (F-35 Joint Strike Fighter) | N/A | ||
Drones armés (MQ-9 Reaper) | N/A | ||
Avions d’attaque au sol (AC-130J Ghostrider) | N/A | ||
Avions de surveillance et de reconnaissance (P-8 Poseidon) | N/A | ||
Total | Force d’intervention interarmées | ~10 000 | |
Tableau 1 : Actifs Militaires Américains Déployés dans les Caraïbes (Octobre 2025). Ce tableau consolide les informations sur le déploiement militaire américain, illustrant la nature offensive de la force assemblée.
La situation est donc celle d’une crise soigneusement orchestrée, où la menace d’opérations secrètes létales se combine à une posture militaire ouvertement agressive. Chaque élément est conçu pour exercer une pression maximale sur le régime de Maduro, le poussant vers un point de rupture interne tout en préparant le terrain pour une intervention plus directe si cette stratégie venait à échouer. La région retient son souffle, consciente que l’ombre de la CIA et la puissance de l’armée américaine ravivent les fantômes d’une époque que beaucoup espéraient révolue.
Le casus belli du “narco-terrorisme”
Pour justifier cette escalade, l’administration Trump a méticuleusement construit un cadre juridique et narratif centré sur l’accusation de « narco-terrorisme ». Cette stratégie ne date pas d’octobre 2025, mais trouve ses racines plusieurs années auparavant, dans une campagne de “lawfare” – l’utilisation du droit comme une arme de guerre – visant à délégitimer le gouvernement vénézuélien et à le priver des protections de la souveraineté étatique.
Le tournant décisif a eu lieu en mars 2020, lorsque le Département de la Justice américain a dévoilé des actes d’accusation contre Nicolás Maduro et quatorze autres hauts responsables vénézuéliens pour narco-terrorisme, corruption et trafic de drogue. L’accusation principale est que Maduro, à la tête d’une organisation criminelle baptisée le « Cartel de los Soles », aurait conspiré avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), une organisation classée comme terroriste par Washington, pour « inonder les États-Unis de cocaïne ». Selon le procureur américain Geoffrey S. Berman, Maduro aurait « très délibérément déployé la cocaïne comme une arme » contre les États-Unis. Le nom même du cartel, « Cartel des Soleils », est une référence directe aux insignes en forme de soleil portés par les généraux vénézuéliens, impliquant ainsi l’ensemble de la hiérarchie militaire dans cette entreprise criminelle.
Cette architecture juridique a plusieurs implications stratégiques fondamentales. Premièrement, elle contourne les normes du droit international qui interdisent l’ingérence militaire dans les affaires d’un État souverain. En requalifiant légalement le gouvernement de Maduro non pas en tant qu’entité politique mais en tant qu’organisation criminelle transnationale (TCO), les États-Unis déplacent le paradigme d’un conflit interétatique potentiel vers une action de maintien de l’ordre à grande échelle. Cela fournit une justification de droit interne pour des actions qui, autrement, seraient considérées comme des actes de guerre, telles que les assassinats ciblés ou les frappes militaires.
Deuxièmement, ce cadre a été renforcé par des désignations ultérieures. En février 2025, le secrétaire d’État Marco Rubio a désigné le gang d’origine vénézuélienne Tren de Aragua comme une Organisation Terroriste Étrangère (FTO), le plaçant sur un pied d’égalité avec des groupes comme Al-Qaïda ou l’État Islamique. Cette mesure a été suivie par l’invocation de l’Alien Enemies Act par le président Trump pour permettre l’expulsion de membres présumés du gang, renforçant l’association du Venezuela avec le terrorisme international dans l’opinion publique américaine.
Troisièmement, cette stratégie a permis de légitimer une escalade militaire progressive sous le couvert de la lutte anti-drogue. Le Département d’État détermine chaque année depuis 2006 que le Venezuela ne coopère pas pleinement avec les efforts antiterroristes américains, interdisant de fait la vente d’armes au pays. Plus récemment, cette justification a servi de base à des actions militaires directes. Depuis septembre 2025, l’armée américaine a bombardé plusieurs embarcations au large des côtes vénézuéliennes dans les eaux internationales. La dernière en date, le 14 octobre, a coûté la vie à six personnes. Le président Trump a personnellement annoncé sur les réseaux sociaux que « le renseignement a confirmé que l’embarcation trafiquait des stupéfiants et était associée à des réseaux de narco-terrorisme ». Pour donner un cadre juridique à ces frappes, le Pentagone a notifié le Congrès que les États-Unis sont engagés dans un « conflit armé » contre les cartels de la drogue, ce qui autorise des règles d’engagement plus souples.
Bien que cette justification soit loin de faire l’unanimité – le gouvernement vénézuélien affirmant que les victimes étaient de simples pêcheurs et des organisations comme Human Rights Watch qualifiant ces bombardements d’« exécutions extrajudiciaires illégales » – sa validité factuelle est secondaire par rapport à son utilité stratégique. Des rapports de la DEA et de l’ONU ont indiqué que le Venezuela est principalement un pays de transit et non de production de drogue, et que les principales routes du trafic de cocaïne vers les États-Unis passent par le Pacifique. Cependant, le narratif du « narco-État » puise dans des préoccupations légitimes concernant la corruption endémique au sein de l’État vénézuélien, ce qui le rend plausible pour un public national et international peu averti. Son objectif principal n’est pas la précision, mais de fournir une couverture politique à une politique de changement de régime prédéterminée, tout en mobilisant une base électorale sensible aux questions de sécurité frontalière et de criminalité. En diabolisant le régime de Maduro comme une entité criminelle et terroriste, Washington l’isole diplomatiquement, rendant plus difficile pour d’autres nations de le défendre sur des bases purement politiques ou idéologiques. La mise à prix de 50 millions de dollars pour la capture de Maduro, le plaçant sur la même liste que les plus grands barons de la drogue et terroristes, est l’aboutissement de cette stratégie de délégitimation.
Le Manuel Stratégique – Les Voies vers le Contrôle Américain
L’étranglement économique : l’arsenal des sanctions
L’un des principaux leviers de la politique américaine à l’égard du Venezuela est l’utilisation agressive de la guerre économique. L’arsenal de sanctions mis en place par Washington est conçu pour paralyser l’économie vénézuélienne, priver le régime de Maduro de ses sources de revenus et, en théorie, provoquer un effondrement interne ou forcer des concessions politiques. Cette stratégie, menée sous la bannière de la « pression maximale », peut être intensifiée via plusieurs vecteurs.
Le régime de sanctions actuel est déjà à multiples facettes, comprenant des sanctions ciblées contre des individus accusés de corruption, de violations des droits de l’homme ou d’actions antidémocratiques, des sanctions financières qui coupent l’accès du gouvernement vénézuélien aux marchés de capitaux américains, et des sanctions sectorielles visant le cœur de l’économie du pays : l’industrie pétrolière. Depuis 2017, ces mesures ont progressivement étranglé l’économie vénézuélienne, contribuant de manière significative à son déclin, comme l’a reconnu un rapport du Government Accountability Office américain.
Toutefois, Washington dispose de plusieurs options pour intensifier cette pression jusqu’à un point de rupture :
- L’embargo pétrolier total : Le Venezuela, qui détient les plus grandes réserves de brut au monde, dépend des exportations de pétrole pour plus de 90% de ses revenus d’exportation. Un embargo total représenterait l’« option nucléaire » économique. Cela impliquerait la révocation de toutes les licences générales restantes qui permettent à certaines entreprises, notamment la major américaine Chevron, de continuer à opérer dans le pays. L’administration Trump a déjà signalé son intention de durcir sa position en remplaçant la licence générale de Chevron par des extensions à court terme, créant une incertitude qui décourage les investissements à long terme. Un embargo total serait complété par l’imposition de sanctions secondaires, menaçant de couper l’accès au système financier américain à toute entreprise dans le monde qui achèterait, transporterait, assurerait ou financerait le pétrole vénézuélien. L’expérience des sanctions de 2019 a montré une très forte conformité des entreprises européennes et asiatiques, qui craignent d’être exclues des marchés américains. Un tel blocus économique paralyserait presque entièrement les exportations vénézuéliennes, provoquant une contraction encore plus sévère de la production et une chute drastique des revenus de l’État.
- La saisie des actifs étrangers : Le principal actif vénézuélien à l’étranger est CITGO, une société de raffinage et de distribution de carburant basée aux États-Unis et filiale de la compagnie pétrolière d’État PDVSA. La saisie ou la vente forcée de CITGO priverait le Venezuela de sa plus précieuse source de devises étrangères et de son principal point d’ancrage sur le marché énergétique américain. Parallèlement, le Département de la Justice a déjà intensifié la pression sur le cercle rapproché de Maduro en saisissant pour plus de 700 millions de dollars d’actifs personnels. Selon la procureure générale Pam Bondi, ces actifs comprennent des jets privés, des manoirs en Floride et en République Dominicaine, un haras, des véhicules de luxe, des bijoux et des liquidités. Ces saisies ont un double objectif : exercer une pression financière directe et envoyer un message psychologique puissant aux élites du régime, leur signifiant qu’il n’y a pas de refuge sûr pour leur fortune mal acquise.
- L’isolement financier complet : Au-delà du pétrole, les États-Unis peuvent prendre des mesures pour exclure totalement le Venezuela du système financier mondial. Cela pourrait inclure des sanctions contre les banques de pays tiers qui facilitent les transactions pour le compte du gouvernement vénézuélien, rendant ainsi quasi impossible pour Caracas de mener des échanges commerciaux légitimes, même avec des pays non alignés.
Cependant, cette stratégie d’étranglement économique présente un paradoxe fondamental. Si les sanctions visent à faire s’effondrer le régime, elles peuvent en réalité renforcer l’emprise de Maduro sur le pouvoir. En détruisant l’économie formelle, elles augmentent la dépendance de la population vis-à-vis des programmes de distribution alimentaire contrôlés par l’État (les fameux CLAP) et poussent une partie de l’activité économique dans le secteur informel et illicite, qui est dominé par des acteurs loyaux au régime. Le régime s’adapte en développant une « économie de guerre » résiliente aux sanctions, basée sur le commerce illicite (or, drogues) et l’utilisation de crypto-monnaies, tout en s’appuyant sur des alliés comme la Russie, la Chine et l’Iran pour contourner les restrictions. De plus, la crise humanitaire exacerbée par les sanctions a provoqué l’exode de près de 8 millions de Vénézuéliens, déstabilisant les pays voisins comme la Colombie et le Brésil, dont la coopération est pourtant essentielle pour toute stratégie diplomatique régionale efficace. L’outil de l’étranglement économique entre ainsi en conflit direct avec l’objectif de construire une coalition diplomatique.
Enfin, il est crucial de considérer l’imposition d’un embargo total non seulement comme un outil économique, mais aussi comme une étape préparatoire à une éventuelle action militaire. En paralysant l’économie vénézuélienne, Washington affaiblit la capacité du régime à financer et à entretenir ses forces armées, “préparant le terrain” pour une future intervention. La saisie d’actifs comme CITGO élimine les intérêts économiques américains qui pourraient être des dommages collatéraux en cas de conflit. Politiquement, un embargo total peut être présenté comme la dernière option non militaire, permettant à l’administration de prétendre que « toutes les autres options ont été épuisées » avant de recourir à la force.
Opérations secrètes : la main invisible de la CIA
L’autorisation présidentielle accordée à la CIA ouvre un second front, plus obscur, dans la campagne de pression contre le Venezuela. Ce front clandestin permet à Washington de mener des actions à haut risque tout en maintenant un certain degré de déni plausible. Les méthodes disponibles s’inspirent à la fois du lourd héritage des interventions de la CIA en Amérique latine pendant la Guerre Froide et des techniques modernes de guerre non conventionnelle. La cible principale de ces opérations est le centre de gravité du pouvoir de Nicolás Maduro : la loyauté des Forces armées nationales bolivariennes (FANB).
Guerre psychologique et informationnelle (PSYOP)
La loyauté de la haute hiérarchie militaire envers Maduro n’est pas idéologique mais transactionnelle, fondée sur la corruption, le clientélisme et la participation à des entreprises criminelles, comme le suggère le narratif du « Cartel de los Soles ». L’objectif des opérations psychologiques est de briser ce lien de confiance et de transformer l’armée, principal pilier du régime, en son principal fossoyeur. Les techniques modernes de PSYOP, amplifiées par les technologies numériques, offrent un large éventail de possibilités :
- Propagande noire et grise : La dissémination de désinformation ciblée est une arme puissante. La « propagande noire » consiste à diffuser des informations fausses qui semblent émaner de sources internes au régime ou de ses alliés, afin de semer la méfiance et la paranoïa au sein du commandement militaire. Par exemple, de faux rapports de renseignement pourraient suggérer qu’un général complote contre un autre, ou que Maduro s’apprête à purger une faction de l’armée. La « propagande grise », dont la source est ambiguë, peut être utilisée pour amplifier des récits de corruption, mettant en évidence les richesses extravagantes des généraux fidèles à Maduro alors que les soldats de base et leurs familles souffrent de la crise économique.
- Incitation à la défection : Des canaux de communication secrets peuvent être utilisés pour contacter directement des officiers clés des FANB. Ces communications peuvent transmettre des offres d’amnistie, de récompenses financières substantielles (en s’appuyant sur la prime de 50 millions de dollars pour Maduro) et de passage sécurisé pour eux et leurs familles vers les États-Unis ou un pays tiers. Ces offres exploitent la peur d’être poursuivi pour crimes contre l’humanité ou trafic de drogue dans un Venezuela post-Maduro.
- Amplification des griefs : Les plateformes de médias sociaux, les applications de messagerie comme WhatsApp et des radios clandestines peuvent être utilisées pour cibler les officiers subalternes et les soldats du rang. Le contenu viserait à exacerber leur mécontentement face aux bas salaires, aux mauvaises conditions de vie et au décalage avec le luxe de la hiérarchie, sapant ainsi le moral et la volonté de se battre pour le régime.
Encourager la dissidence interne
Parallèlement aux efforts visant à fracturer l’armée, la CIA peut intensifier son soutien à l’opposition politique et à la société civile. L’opposition, bien que réprimée et divisée, conserve une légitimité démocratique et un soutien populaire considérables, incarnés par des figures comme la lauréate du prix Nobel de la paix 2025, María Corina Machado. Un soutien américain renforcé, s’inspirant des opérations passées, pourrait inclure :
- Financement et soutien logistique secrets : L’histoire des interventions américaines, notamment le financement des grèves et des manifestations au Chili avant le coup d’État de 1973 contre Salvador Allende, offre un modèle. Des fonds peuvent être acheminés de manière non traçable via des organisations de façade ou des entités comme l’USAID et le National Endowment for Democracy pour financer les partis d’opposition, les syndicats, les médias indépendants et les organisations de la société civile. Un soutien logistique, tel que la fourniture d’équipements de communication sécurisés et de formations en matière de sécurité opérationnelle, est également crucial pour permettre à l’opposition de s’organiser face à un appareil répressif omniprésent.
- Partage de renseignements : La CIA peut fournir à des leaders de l’opposition triés sur le volet des renseignements exploitables sur les vulnérabilités du régime, les plans de répression, les mouvements de troupes ou les dissensions internes au sein du gouvernement, leur permettant d’anticiper les actions de Maduro et de mobiliser plus efficacement leurs partisans.
Guerre cybernétique et sabotage des infrastructures
Les capacités du U.S. Cyber Command représentent une arme redoutable et largement non attribuable. Des attaques cybernétiques ciblées peuvent paralyser le pays et démontrer l’impuissance du régime de Maduro à assurer les services de base, sapant ainsi sa légitimité. Les pannes d’électricité massives de mars 2019, que le gouvernement vénézuélien a imputées à une cyberattaque américaine, ont offert un aperçu du potentiel chaotique de telles opérations. Les cibles potentielles incluent :
- Le réseau électrique : Des attaques sophistiquées pourraient provoquer des pannes prolongées à l’échelle nationale, plongeant le pays dans le noir, paralysant l’industrie, les hôpitaux et les communications.
- Les réseaux financiers et administratifs : Des cyberattaques pourraient perturber le système bancaire, les systèmes de paie du gouvernement et la distribution des subventions alimentaires, créant un chaos économique et social.
- Les systèmes de commandement et de contrôle militaires : Le piratage des réseaux de communication des FANB pourrait semer la confusion, isoler les unités les unes des autres et dégrader leur capacité à répondre à une crise interne ou à une attaque externe.
Cependant, la voie clandestine est semée d’embûches. Le principal défi pour la stratégie américaine est de gérer le conflit entre les deux centres de gravité du Venezuela : la loyauté institutionnelle des FANB et la légitimité démocratique de l’opposition. Soutenir l’opposition ne suffit pas ; il faut activement briser le lien entre Maduro et l’armée. Cela nécessite une approche à deux volets : des opérations psychologiques pour fissurer l’unité militaire et un soutien à l’opposition pour offrir une alternative politique crédible vers laquelle les officiers désabusés pourraient se tourner. Un coup d’État militaire qui échoue ou qui n’a pas d’alternative politique viable serait un désastre, renforçant Maduro.
De plus, le risque de “blowback” – des conséquences imprévues et négatives – est extrêmement élevé. L’histoire de la CIA est jalonnée d’échecs retentissants comme le débarquement de la Baie des Cochons à Cuba en 1961, qui a politiquement renforcé Fidel Castro. Une opération ratée plus récente, comme la tentative d’invasion bâclée de l’« Opération Gideon » en 2020, menée par d’anciens bérets verts américains, a offert une victoire de propagande majeure à Maduro. Toute implication directe des États-Unis dans un sabotage qui entraînerait des pertes civiles serait condamnée au niveau international et pourrait justifier une réponse militaire de la part du Venezuela ou de ses alliés. La frontière entre une opération secrète et un acte de guerre est ténue, et un succès apparent, comme l’élimination d’une cible de haut rang, pourrait déclencher une escalade incontrôlée vers un conflit ouvert que Washington ne souhaite peut-être pas.
Coercition militaire : la menace et l’emploi de la force
Au-delà des sanctions et des opérations secrètes, les États-Unis disposent d’une gamme d’options militaires directes, chacune présentant un niveau de risque et de conséquences croissant. Le déploiement naval et aérien massif dans les Caraïbes n’est pas seulement une posture de dissuasion ; il positionne les forces américaines pour exécuter rapidement l’une de ces options si la décision politique était prise.
Le blocus naval
Un blocus naval total, ou une « quarantaine » pour utiliser un euphémisme, représenterait l’apogée de la coercition non-invasive. Cette option impliquerait l’interception de tout le trafic maritime à destination et en provenance du Venezuela.
- Faisabilité et mise en œuvre : La marine américaine possède une supériorité écrasante dans la région et peut facilement mettre en œuvre un tel blocus, coupant le pays de ses exportations vitales de pétrole et de ses importations de nourriture, de carburant et de matériel militaire. Historiquement, les blocus navals ont été utilisés contre le Venezuela, notamment en 1902-1903 par des puissances européennes.
- Statut juridique et justification : En droit international, un blocus est un acte de guerre. Pour contourner cette qualification, Washington le présenterait probablement comme une « opération d’interdiction » à grande échelle dans le cadre de sa « guerre contre les cartels », en s’appuyant sur sa doctrine du « narco-terrorisme » pour fournir une couverture juridique.
- Impact et risques : Les conséquences économiques et humanitaires seraient dévastatrices, achevant l’étranglement du pays et provoquant probablement un effondrement humanitaire total. Le risque géopolitique majeur réside dans une confrontation directe avec des navires russes, chinois ou iraniens tentant de forcer le blocus pour livrer des biens à leur allié. Un tel incident pourrait rapidement dégénérer en une crise internationale majeure entre puissances nucléaires.
Frappes cinétiques limitées
Une escalade plus probable que le blocus total consisterait en des frappes chirurgicales contre des cibles de grande valeur. Le président Trump aurait déjà envisagé des frappes à l’intérieur du territoire vénézuélien, ce qui en fait une option plausible.
- Cibles potentielles : Les cibles seraient choisies pour leur valeur symbolique, militaire et économique. Elles pourraient inclure le palais présidentiel de Miraflores, les centres de commandement et de contrôle des FANB, les sites de défense aérienne, les bases aériennes, les ports stratégiques et les infrastructures pétrolières clés comme les raffineries.
- Plateformes d’attaque : Ces frappes seraient menées à l’aide d’armes de précision à longue portée pour minimiser les risques pour les pilotes américains. Les bombardiers B-52 pourraient lancer des salves de missiles de croisière depuis l’espace aérien international, tandis que les destroyers et sous-marins en position au large des côtes pourraient faire de même. Les chasseurs furtifs F-35 pourraient également être utilisés pour pénétrer l’espace aérien vénézuélien et détruire des cibles bien défendues.
- Risques et conséquences : Bien que les capacités de défense aérienne du Venezuela soient limitées, elles ne sont pas négligeables. Le pays dispose de systèmes russes S-300VM et de chasseurs F-16 de fabrication américaine qui pourraient potentiellement infliger des pertes aux forces américaines, surtout si une campagne de suppression des défenses aériennes à grande échelle n’est pas menée au préalable. Toute frappe sur le sol vénézuélien constituerait un acte de guerre indéniable, unissant probablement la population et même une partie de l’opposition contre l’agresseur extérieur, renforçant ainsi la position de Maduro. Cela risquerait également une réponse asymétrique de la part de Caracas et une escalade régionale.
Le scénario de l’invasion
L’option la plus extrême et la plus risquée est une invasion terrestre à grande échelle visant à renverser le régime par la force.
- Exigences et déroulement : Une telle opération nécessiterait un engagement militaire bien supérieur aux forces actuellement déployées, impliquant potentiellement des centaines de milliers de soldats pour envahir et occuper un pays de la taille du Texas et de la Californie réunis, avec un terrain difficile. Bien que les forces américaines vaincraient sans aucun doute les FANB dans un conflit conventionnel, la phase post-invasion serait le véritable défi.
- Conséquences : La chute de Maduro ne signifierait pas la fin du conflit. Les États-Unis seraient confrontés à une insurrection prolongée et sanglante menée par les restes de l’armée, les milices civiles bolivariennes (estimées à plusieurs millions de membres), les colectivos (groupes armés pro-régime) et divers acteurs criminels opposés à une présence américaine.
- Retombées géopolitiques et économiques : Une invasion serait presque universellement condamnée en Amérique latine, brisant les relations diplomatiques des États-Unis dans la région pour une génération. Elle provoquerait une crise des réfugiés d’une ampleur sans précédent et un choc sur les marchés pétroliers mondiaux, avec des estimations suggérant une augmentation des prix de 10 à 20%. Le résultat le plus probable ne serait pas une démocratie stable, mais un État en déliquescence, un bourbier coûteux en vies et en ressources pour les États-Unis, et une source majeure d’instabilité pour l’ensemble du continent sud-américain.
La stratégie militaire la plus probable pour Washington n’est donc pas une invasion, mais une campagne de “bleedership” (saignée du leadership). Cette approche consisterait en des frappes limitées, soutenues et légalement justifiées (par exemple, contre des “infrastructures narco-terroristes”) conçues pour démontrer l’impuissance du régime de Maduro. L’objectif stratégique ne serait pas de détruire l’armée vénézuélienne, mais de prouver à ses commandants que Maduro ne peut plus les protéger, que leurs biens et leurs vies sont vulnérables, et que leur seule voie de survie est de l’écarter du pouvoir. La pression militaire deviendrait ainsi le catalyseur d’un coup d’État interne.
Cependant, le plus grand danger de toute option militaire réside dans le piège du mauvais calcul. Washington pourrait sous-estimer la volonté de combat des FANB ou l’efficacité de leurs défenses, entraînant des pertes américaines inattendues qui exigeraient une escalade. Inversement, Caracas, se sentant acculé, pourrait lancer une attaque asymétrique désespérée (par exemple, une frappe de missile contre un navire américain) dans l’espoir de dissuader Washington, ce qui rendrait politiquement inévitable une invasion américaine massive en représailles. La présence de conseillers et de matériel russes et chinois ajoute une couche de complexité explosive, où un tir malencontreux pourrait impliquer directement d’autres grandes puissances dans le conflit.
L’échiquier diplomatique : construire des alliances et contrer les adversaires
Aucune des voies économiques, clandestines ou militaires ne peut réussir de manière isolée sans une stratégie diplomatique sophistiquée. Cependant, c’est sur ce front que la politique américaine se heurte à ses plus grandes contradictions. L’approche de Washington est prise dans un dilemme hégémonique : elle a besoin de partenaires régionaux pour la légitimité, le partage du fardeau et la gestion des conséquences (notamment migratoires), mais ses actions unilatérales et agressives aliènent précisément ces mêmes partenaires.
Forger une coalition régionale
La construction d’une coalition régionale unie contre Maduro est une tâche herculéenne. Les pays voisins, en particulier la Colombie et le Brésil, subissent de plein fouet les conséquences de la crise vénézuélienne, accueillant des millions de réfugiés et faisant face à la criminalité transfrontalière. Bien qu’ils s’opposent au régime de Maduro, ils sont profondément méfiants à l’égard d’une intervention militaire américaine, qui raviverait le spectre de l’impérialisme “yankee” et risquerait de déstabiliser davantage la région.
Les frappes unilatérales américaines sur des embarcations dans les Caraïbes ont déjà suscité la condamnation de dirigeants régionaux, qui y voient une provocation et une menace pour leur propre souveraineté. Certains gouvernements, comme celui du Brésil, ont même appelé à la levée des sanctions, les jugeant contre-productives et nuisibles à la population vénézuélienne. L’approche de “diplomatie de la canonnière” de l’administration Trump, bien qu’elle vise à intimider le régime de Maduro, est perçue avec une grande inquiétude dans toute l’Amérique latine.
Pour surmonter cette méfiance, Washington devrait offrir des incitations significatives. Celles-ci pourraient inclure des programmes d’aide massifs pour aider les pays voisins à gérer la crise migratoire, des accords commerciaux préférentiels et des garanties solides sur un rôle de premier plan dans la reconstruction d’un Venezuela post-Maduro. Cependant, la rhétorique et les actions actuelles de Washington vont dans la direction opposée, créant un cercle vicieux : plus les États-Unis agissent seuls, plus ils se retrouvent isolés, ce qui les incite à recourir à davantage d’actions unilatérales.
Gérer la compétition des grandes puissances
Le conflit vénézuélien n’est pas simplement une affaire hémisphérique ; il est devenu un théâtre d’affrontement dans une nouvelle guerre froide entre les États-Unis, la Russie et la Chine. Ces deux puissances fournissent à Maduro une bouée de sauvetage économique, militaire et diplomatique indispensable, et elles ont un intérêt stratégique direct à contrecarrer les ambitions américaines.
- La Russie : Moscou est le principal fournisseur d’armement de Caracas, incluant des systèmes de défense aérienne avancés, des avions de chasse et des fusils d’assaut. Des conseillers militaires russes sont présents sur le terrain pour former les FANB à l’utilisation de ce matériel. Sur le plan diplomatique, la Russie utilise son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer toute résolution hostile au Venezuela. Pour le Kremlin, soutenir Maduro est un moyen peu coûteux de défier l’influence américaine dans sa propre “arrière-cour”, une réponse directe aux actions de l’OTAN en Europe de l’Est. La Russie considère le Venezuela comme un pion stratégique et fera tout pour empêcher un changement de régime imposé par les États-Unis.
- La Chine : Pékin est le principal créancier du Venezuela et un acheteur majeur de son pétrole, bien que les volumes aient fluctué en raison des sanctions. Les intérêts de la Chine sont principalement économiques : protéger les dizaines de milliards de dollars qu’elle a investis dans le pays et garantir un approvisionnement énergétique à long terme. Cependant, Pékin a également un intérêt géopolitique à résister à ce qu’il perçoit comme l’hégémonie unilatérale américaine. La Chine a condamné le déploiement militaire américain comme une “menace sérieuse pour la paix” et a appelé Washington à cesser toute ingérence dans les affaires intérieures du Venezuela.
Toute stratégie américaine doit donc intégrer un plan pour gérer ces deux adversaires. Cela pourrait impliquer une combinaison de menaces (sanctions secondaires contre les entreprises russes et chinoises qui font des affaires avec le régime de Maduro) et de négociations (offrir à Moscou et à Pékin des garanties sur la protection de leurs contrats et investissements dans un Venezuela post-Maduro). Cependant, ni la Russie ni la Chine ne sont susceptibles de céder facilement. Leur soutien à Maduro n’est pas nécessairement idéologique, mais est fermement ancré dans leur objectif commun de promouvoir un monde multipolaire et de freiner la puissance américaine. Cela transforme toute intervention au Venezuela en un test de volonté direct avec deux rivaux dotés de l’arme nucléaire, augmentant de manière exponentielle les risques d’une escalade mondiale.
Le dénouement et les conséquences géopolitiques
Scénaris pour un Venezuela post-Maduro
L’analyse des voies vers un changement de régime doit nécessairement s’étendre à la question cruciale : “et après?”. L’histoire récente des interventions américaines, notamment en Afghanistan et en Irak, a douloureusement démontré que le renversement d’un régime autoritaire est souvent la partie la plus simple d’un processus long et complexe. La gestion du vide de pouvoir qui s’ensuit est le véritable défi. Pour le Venezuela, plusieurs scénarios post-Maduro peuvent être envisagés, allant du plus optimiste au plus catastrophique.
- Scénario le plus favorable : Une transition démocratique fragile. Dans ce scénario, une combinaison de pressions internes et externes (par exemple, un coup d’État interne de l’armée, catalysé par des opérations secrètes américaines) conduit à la destitution de Maduro. Un gouvernement de transition, composé de figures militaires modérées et de leaders de l’opposition civile, prend le pouvoir. Avec un soutien international massif, ce gouvernement parvient à stabiliser le pays, à désarmer les milices, à organiser des élections libres et équitables et à entamer le long processus de reconstruction économique et institutionnelle. Ce scénario, bien que souhaitable, est le moins probable. Il nécessiterait un niveau de cohésion au sein de l’opposition et de l’armée qui n’existe pas actuellement, ainsi qu’un engagement financier et politique à très long terme de la part des États-Unis et de la communauté internationale, un engagement pour lequel il n’y a que peu d’appétit politique.
- Scénario le plus probable : Un État fracturé et un conflit civil. Le départ de Maduro ne signifie pas la fin du chavisme, un mouvement politique et social profondément enraciné dans une partie de la société vénézuélienne et dans les institutions de l’État. La chute du leader provoquerait probablement une fragmentation du pouvoir plutôt qu’un transfert ordonné. Différentes factions des forces armées, des milices pro-chavistes, des colectivos et des organisations criminelles se disputeraient le contrôle de territoires et de ressources (mines d’or, routes de la drogue). Le pays sombrerait dans un conflit civil de basse intensité, prolongé et complexe, semblable à la situation en Libye après la chute de Kadhafi ou en Syrie. Les États-Unis et leurs alliés régionaux se retrouveraient à soutenir un gouvernement central faible et contesté, face à une myriade de groupes armés, dont certains pourraient recevoir le soutien de la Russie, de la Chine ou de Cuba.
- Scénario le plus défavorable : L’effondrement de l’État et la catastrophe régionale. Une intervention militaire américaine mal calculée ou une guerre civile particulièrement violente pourrait conduire à l’effondrement complet des institutions de l’État vénézuélien. Le pays deviendrait un “trou noir” de criminalité, de violence et d’instabilité au cœur de l’Amérique du Sud. La crise humanitaire, déjà grave avec près de 8 millions de réfugiés, atteindrait des proportions apocalyptiques, avec des millions de personnes supplémentaires fuyant vers la Colombie, le Brésil et le Guyana. Le conflit déborderait les frontières, déstabilisant des pays voisins déjà fragiles comme la Colombie, qui lutte pour consolider son propre processus de paix. Cette catastrophe régionale créerait un foyer permanent de terrorisme et de criminalité organisée, exigeant une présence sécuritaire internationale coûteuse et durable.
Le défi fondamental pour les États-Unis réside dans le paradoxe de “gagner la guerre, mais perdre la paix”. Les institutions vénézuéliennes ont été systématiquement vidées de leur substance et corrompues pendant plus de deux décennies. Il n’existe pas de “bouton d’arrêt” simple pour le mouvement chaviste. Tout gouvernement installé par Washington manquerait de légitimité aux yeux d’une grande partie de la population et serait immédiatement confronté à une insurrection. Un changement de régime réussi engagerait donc les États-Unis dans un projet de reconstruction nationale de plusieurs décennies, coûtant des milliers de milliards de dollars, un scénario politiquement et économiquement intenable.
Le prix de l’hégémonie
L’analyse des différentes voies disponibles pour les États-Unis afin d’imposer un changement de régime au Venezuela révèle une conclusion sans équivoque : chaque option est semée de risques profonds, de coûts exorbitants et de conséquences imprévisibles. L’administration américaine se trouve devant un échiquier stratégique où chaque mouvement potentiel, de l’étranglement économique à l’invasion militaire, pourrait déclencher une cascade d’effets déstabilisateurs bien au-delà des frontières vénézuéliennes.
La stratégie actuelle, qui combine une posture militaire agressive, des opérations secrètes autorisées et un cadre juridique de “narco-terrorisme”, est une tentative sophistiquée de maximiser la pression tout en minimisant l’engagement direct. Cependant, cette approche repose sur un équilibre précaire. Elle aliène les partenaires régionaux dont la coopération est indispensable, elle provoque les rivaux mondiaux que sont la Russie et la Chine, et elle risque à tout moment de basculer d’une coercition contrôlée à un conflit ouvert par un simple mauvais calcul.
Le lourd héritage des interventions américaines en Amérique latine pèse sur la situation actuelle, alimentant une méfiance viscérale qui complique toute action diplomatique. La culture stratégique américaine, qui tend à privilégier les solutions décisives et à sous-estimer la complexité des conflits asymétriques et de la reconstruction post-conflit, est mal adaptée au bourbier vénézuélien.
Les intérêts américains déclarés – la restauration de la démocratie, la lutte contre le trafic de drogue, la stabilisation des marchés pétroliers et la limitation de l’influence des puissances adverses – doivent être pesés à l’aune des coûts potentiels. Ces coûts incluent la possibilité d’un conflit militaire prolongé, une crise humanitaire et migratoire d’une ampleur sans précédent, une instabilité régionale durable, une confrontation directe avec des puissances nucléaires et un coup dévastateur porté à la crédibilité et à l’influence des États-Unis sur la scène mondiale.
Ce rapport ne vise pas à recommander une voie plutôt qu’une autre, mais à éclairer la nature des choix qui se présentent. La décision finale appartient aux décideurs politiques, qui doivent évaluer si la poursuite de l’hégémonie dans leur sphère d’influence traditionnelle justifie le prix potentiellement très élevé d’une intervention au Venezuela.
Tableau 2 : Analyse Comparative des Voies de Changement de Régime Américaines. Ce tableau synthétise les options stratégiques, leurs exigences, leurs chances de succès et les risques associés, offrant une vue d’ensemble des arbitrages complexes auxquels Washington est confronté.