Enquête. L’or noir de Madagascar sous pression : un plan de 18 mois pour sauver la vanille de l’effondrement

 

Madagascar joue la survie de son produit stratégique. Face à une surproduction mondiale qui inonde le marché et à l’émergence d’une concurrence déloyale sur les réseaux sociaux, le gouvernement lance un plan de sauvetage de 18 mois. L’enjeu : sauver une filière premium de l’effondrement, après la dissolution de son organe de régulation, le CNV.

 

Pour cette article, nous avons demandé de l’aide pour comprendre le marché de la vanille au Comptoir de Toamasina le spécialiste de la vanille.

Enquête. L'or noir de Madagascar sous pression un plan de 18 mois pour sauver la vanille de l'effondrement

Enquête. L’or noir de Madagascar sous pression un plan de 18 mois pour sauver la vanille de l’effondrement

Radiographie d’une crise existentielle

 

La filière vanille à Madagascar, réputée pour sa qualité quasi-monopolistique, traverse une crise existentielle.

Le plan de relance annoncé par le Premier ministre Herintsalama Rajaonarivelo début novembre 2025 n’est pas une simple réforme : c’est une tentative de sauvetage face à un effondrement de marché d’une ampleur inédite.

 

Un océan de vanille

 

Le nœud du problème est une surproduction mondiale massive. Le marché est, selon un rapport de l’industrie de mai 2025, littéralement “inondé”. Alors que la demande mondiale oscille entre 2 500 et 3 000 tonnes métriques, l’offre disponible en 2025 pourrait dépasser les 6 000 tonnes.

Le marché mondial est assis sur plus de deux ans et demi de stocks. Madagascar et l’Ouganda, les deux plus grands producteurs, continuent de contribuer à ces stocks. La récolte malgache de 2025, estimée à elle seule à plus de 3 000 tonnes, s’ajoute à un volume substantiel d’invendus des années précédentes.

Il faut savoir que Madagascar interdit la vente des stocks des années entières.

 

Le mirage du “stockage stratégique” de 2024

 

Cette situation a été masquée en 2024 par des chiffres d’exportation records : plus de 4 000 tonnes de vanille vendue et exportée. L’analyse révèle qu’il ne s’agissait pas d’une explosion de la demande, mais d’une opération de “stockage stratégique” (“strategic stockpiling”) des grands acheteurs industriels.

Profitant de l’effondrement des prix, ils ont acheté massivement pour sécuriser leurs approvisionnements sur plusieurs années. La conséquence est un carnet de commandes vide pour 2025. Le “succès” de 2024 a directement pavé la voie au désastre de 2025.

Dans la SAVA, la chute brutale des prix

 

Le prix de cette saturation est payé par les producteurs. À l’ouverture de la campagne 2025, les producteurs espéraient 100 000 ariary (environ 20 €) pour la vanille verte. La réalité est un effondrement total : 46 000 ariary dans la Diana, et des lots à 20 000 ariary (environ 4 €) dans la SAVA.

Des rapports font même état de prix tombés à 7 000 ariary/kg (1,50 $/kg). Ces chiffres, bien en deçà du seuil de rentabilité, représentent un désastre humanitaire et économique, encourageant la pauvreté et la dégradation de la qualité.

Période Prix Plancher Export Officiel (USD/kg) Prix de Marché (Plancher “Non-Officiel”) (USD/kg) Prix Payé au Producteur (Vanille Verte, Ariary/kg)
Campagne 2021-2022 $250 N/A 75 000 Ar
Campagne 2023-2024 $250 (non respecté) $40 46 000 Ar
Campagne 2025 N/A < $40 20 000 Ar

L’échec du “mur des 250 $”

 

Le plan de relance de novembre 2025 est une réponse directe à l’échec de la politique de régulation précédente. Il faut savoir que les acteurs majeurs et historiques ont tout simplement dû respecter cette limite et de la vanille est parti par DHL et sans contrôle.

Il faut savoir que les acteurs historiques paient toujours la vanille gourmet autour de 70$ le kilo. Mais nous avons découvert des vieux stocks à des prix très inférieurs 30$.

La “cagnotte” ambiguë de l’ère Razafindravahy

 

Sous l’impulsion de l’ancien ministre Edgard Razafindravahy, un prix minimum à l’export (250 $/kg) et un prix pour la vanille verte (75 000 Ar/kg en 2022) avaient été instaurés. Cette politique interventionniste a permis de collecter plus de 104 milliards d’ariary au profit du Conseil National de la Vanille (CNV), grâce à une contribution de 4 $/kg à l’export.

La libéralisation forcée

 

Cependant, ce “prix politique” était déconnecté de la surproduction mondiale. Dénoncé comme “arbitraire” par les acheteurs internationaux, notamment américains, ils ont exercé une pression maximale en arrêtant leurs achats.

Acculé, le gouvernement a dû céder. La “libéralisation” de 2023-2024 a acté l’abandon du prix plancher de 250 $. Le marché s’est immédiatement effondré pour se repositionner sur un “plancher non-officiel de 40 dollars”.

La dissolution du CNV en novembre 2025 est l’aveu de cet échec. La politique de prix plancher a créé une distorsion massive, bloqué les ventes et pénalisé les exportateurs respectueux des règles.

Le plan de relance : un pari sur la transparence

 

Face à ce constat, le gouvernement d’Herintsalama Rajaonarivelo tente une “refondation” complète, annoncée lors d’une réunion avec le secteur privé le 8 novembre 2025.

Mesure phare : la dissolution du CNV

 

L’acte le plus fort est la dissolution du CNV, autrefois présenté comme un modèle, mais désormais perçu comme le cœur du problème. Les griefs officiels incluent la “lenteur des procédures” et le “manque de transparence”. Cette décision, saluée par le secteur privé, signale la fin de l’ancienne méthode de gestion.

Audit, guichet unique et libéralisation

La dissolution s’accompagne de mesures structurelles :

  • Un audit global de la filière pour assainir la situation.
  • Un guichet unique pour “simplifier les démarches administratives”.
  • Une “libéralisation des procédures d’exportation”.

L’objectif affiché est de “restaurer la force de la vanille malgache” et “garantir une répartition équitable des bénéfices”.

La bataille des agréments

 

Le diable se cache dans les détails. Le Premier ministre a promis que les “critères d’octroi des autorisations d’exportation seront désormais rendus publics”. Pour 2024-2025, 123 exportateurs avaient été agréés.

Cependant, le plan est déjà le théâtre d’une lutte d’influence. Le gouvernement annonce à la fois une “libéralisation” et un “audit” avec des “critères” publics.

Ces deux objectifs peuvent être contradictoires. Des rumeurs persistantes font état de pressions pour réduire drastiquement le nombre d’agréments à “une vingtaine”.

Selon un exportateur, “certains opérateurs, détenant d’importants stocks, chercheraient à limiter la concurrence afin d’écouler rapidement leurs marchandises”. Le plan de relance est donc un champ de bataille entre les partisans d’une vraie concurrence et ceux qui voient dans le “guichet unique” un outil pour créer un nouveau cartel.

Ici, vous comprenez quand les acteurs historiques vendent sur le marché et doivent respecter les normes, des vendeurs sur tiktok, instagram vendent à bas prix.

 

Enquête : la “guerre de la vanille” fait rage en France

 

Cette crise interne se métastase sur les marchés d’exportation, notamment en France, où une nouvelle forme de concurrence menace les fondations de la filière.

L’invasion des vendeurs TikTok

L’océan de 6 000 tonnes de vanille a créé un marché de bas de gamme. Des vendeurs opportunistes inondent le marché français, pratiquant une “concurrence déloyale” via des plateformes comme TikTok. Ils opèrent “sans numéro fiscal” ou “ne vont pas avoir d’entreprise”.

L’exemple est accablant : des lots de gousses de vanille vendus à moins de 120 euros du kilo. Un prix impossible sans absence totale de charges, de contrôles qualité, et sans aucun retour de valeur pour Madagascar. C’est le prix le plus bas que nous avons constaté. Nous ne voulons pas divulguer les vendeurs.

“Vieux stocks” et marketing trompeur

Ces vendeurs écoulent précisément les “vieux stocks” issus de la surproduction. Il s’agit de produits de qualité inférieure (secs, faible teneur en vanilline, qualité tk par exemple, un consommateur ne verra pas la différence entre une vanille de qualité tk et gourmet) vendus sous des “noms incroyables” ou de “nouvelles marques” qui brouillent les pistes. Le consommateur est incapable de distinguer une vanille de qualité d’un vieux stock bradé.

Les spécialistes français au bord de l’asphyxie

Les premières victimes sont les “acteurs historiques de la vanille en France”. Arnaud Sion, créateur du “Comptoir de Toamasina” et spécialiste reconnu, témoigne d’une baisse de 90 % de son activité sur notre activité normal, achat via google, via le SERP.

Aujourd’hui, avec l’arrivée de l’AI, il est difficile de voir un site spécialiste d’un non spécialiste fait par AI. En outre, la HCU de septembre 2023 à détruit le web ouvert et pour notre site nos articles.

Aujourd’hui, c’est étranger mais c’est youtube qui nous aide à développer la marque avec notamment les shorts et la possibilité d’avoir une boutique sur la chaîne qui renvoi vers notre site ecommerce. Le marché à changé et il faut s’adapter, si vous vous adaptez pas vous allez mourir, dit Arnaud.

Il attribue cette chute dans le SERP à la HCU de Septembre 2023 de google à la concurrence déloyale sur TikTok et aux changements d’algorithmes de Google. Cette concurrence est prédatrice : elle cible les entreprises établies qui paient des impôts, respectent la réglementation et maintiennent un standard de qualité.

Arnaud dit : Quand mon fils est né en mai 2023, je recevais deux semaines après sa naissance, une demande de contrôle de la DDPP du nord, j’ai dû faire un aller retour en France et laissé ma femme et mon bébé de même pas 2 mois à l’époque malade en plus.

Un enjeu stratégique pour Madagascar

Le marché de la vanille est cyclique. La crise actuelle, avec ses prix dérisoires, entraînera une démotivation des planteurs et une réduction de la production. Une pénurie est inéluctable d’ici quelques années, provoquant une “hausse forte” des prix.

Lorsque cette hausse surviendra, les vendeurs de TikTok auront disparu. Seuls les “acteurs historiques” resteront. Ce sont eux qui “vont se porter au secours” de la filière malgache en acceptant de payer le prix fort.

En laissant ses partenaires les plus fiables se faire “détruire” en France, Madagascar perd ses alliés de demain.

Indicateur “Acteurs Historiques” (Spécialistes) “Nouveaux Entrants Opportunistes” (Plateformes)
Modèle Économique Import/Distribution durable, création de valeur Vente ponctuelle, “dropshipping”, destruction de valeur
Source du Produit Contrats long terme, nouvelle récolte, qualité tracée “Vieux stocks”, lots de surproduction
Transparence Fiscale “Entreprise déclarée”, respect des normes UE “Sans numéro fiscal”, absence de contrôle
Engagement Long Terme Élevé (Partenaire du cycle, soutien à la hausse) Nul (Disparaît à la hausse des prix)

 

Un écosystème sous pression externe

 

La crise malgache est amplifiée par un environnement international hostile.

Le facteur américain : un tarif douanier de 10 %

Un tarif douanier de 47 %, aujourd’hui réduit à 10 %, a été soudainement imposé sur les marchandises malgaches (et ougandaises) entrant aux États-Unis. Cette mesure “déroutante” reste un handicap de 10 % sur la compétitivité de la vanille malgache sur son plus grand marché.

L’Ouganda et l’Indonésie en embuscade

Madagascar n’est plus en “quasi-monopole”. L’Ouganda et l’Indonésie contribuent activement à la surproduction. L’Ouganda mène une politique agressive, avec des exportations qui ont doublé en 2024 (604 tonnes) et une vanille à 35 $/kg, soit “plus du double” moins cher que la vanille Bourbon.

Madagascar est prise en tenaille : par le haut, par des taxes et réglementations ; par le bas, par des concurrents qui inondent le marché de vanille bon marché.

 

Analyse : le plan de 18 mois est-il viable ?

 

La réussite du plan de “refondation” dépendra de la résolution de ses contradictions internes.

Le “guichet unique” et “l’audit global” mèneront-ils à une véritable transparence et à une concurrence saine ? Ou deviendront-ils l’outil d’un nouveau cartel cherchant à contrôler l’offre ? Le défi de Madagascar n’est pas seulement administratif ; il est politique.

Les défis de la refondation

Pour survivre, la filière doit relever plusieurs défis cruciaux :

  1. Prioriser les alliances stratégiques : Le gouvernement malgache doit reconnaître que sa filière ne survivra pas sans ses “acteurs historiques” sur les marchés finaux (comme la France) et doit les aider à défendre la valeur de la marque “vanille de Madagascar”.
  2. Segmenter pour défendre la qualité : La seule façon de lutter contre la concurrence de l’Ouganda et les “vieux stocks” de TikTok est d’appliquer une traçabilité stricte et de promouvoir activement la qualité “Bourbon” comme un produit premium. C’est à dire de remettre la qualité gourmet ou grade A au cœur des têtes. Que le gouvernement français interdisent les marques déposés et les sites avec des qualités non reconnu par la norme iso. Car google croit que c’est une qualité différente.
  3. Utiliser la “cagnotte” pour les planteurs : Les 104 milliards d’ariary, décrits comme “traçables”, doivent être réinjectés pour soutenir directement les planteurs (qui survivent avec 20 000 Ar/kg) et financer une campagne internationale de marketing.
  4. Responsabiliser les plateformes : Les acteurs établis en France doivent s’unir pour exiger des plateformes (TikTok, etc.) et des autorités qu’elles luttent contre la concurrence “sans numéro fiscal”. C’est une question de survie pour eux, et de stabilité à long terme pour Madagascar. Ici, il faut absolument que les vanilles de Madagascar, chaque loi doit avoir un numéro et que le vendeur va mettre et doit être sur la facture. Aujourd’hui avec le numéro, les services des douanes peut dire la vanille est parti de Madagascar, arrivée en France, elle est passé par l’entreprise A, B et C jusqu’au consommateur final. Car la vanille campagne d’exportation est souvent de Décembre à Juin, car en Juin c’est la préparation de la nouvelle récolte.
  5. Il faut selon les calculs de faut qu’on en parle un prix pour l’exportation à 150$ pour la qualité gourmet pour ne pas décourager les producteurs.

 

Article de référence : https://blog.lecomptoirdetoamasina.fr/vanille-en-crise-pourquoi-les-offres-tiktok-a-356e-detruisent-la-filiere-et-notre-savoir-faire/