De l’affaire de Raismes au “deux poids, deux mesures”, analyse d’un système en crise d’adéquation.

Une Audi S3 lancée à pleine vitesse. Un refus d’obtempérer. Au volant, un individu sous “proto”, du protoxyde d’azote. La fuite s’arrête brutalement dans un autre véhicule, celui d’une femme enceinte. Bilan : 3 jours d’ITT pour la victime. Pour l’auteur, dont le casier affiche 14 mentions, la sanction tombe : 18 mois de prison, dont 12 fermes.

Sur le papier, le maximum encouru était de 5 ans. L’écart est immense et alimente un sentiment d’incompréhension et de laxisme. Mais cette affaire, survenue à Raismes (59), n’est pas qu’un simple fait divers. Elle est le symptôme violent de deux maux profonds qui rongent la justice pénale française : un “vide juridique” face à de nouvelles drogues et une philosophie de la sanction qui interroge.

Comme vous le savez ce n’est pas la première fois qu’on voit après la mort de Mathis, voici un nouveau problème.

 

Il percute une femme enceinte sous drogue avec 14 mentions au casier... La sanction est SCANDALEUSE.

Il percute une femme enceinte sous drogue avec 14 mentions au casier… La sanction est SCANDALEUSE.

 

Le “proto”, ce vide juridique qui paralyse les tribunaux

 

Tout d’abord, vous devez savoir quand il a une nouvelle drogue amusement il a un vide juridique.

Pour comprendre la peine, il faut d’abord regarder la substance. Le protoxyde d’azote, ou “gaz hilarant”, est un fléau au volant. Une enquête Ipsos (2025) révèle qu’un jeune consommateur sur deux en a déjà pris en conduisant, 10 % des 16-24 ans estimant même que ce n’est “pas dangereux”.

Pourtant, face à ce phénomène de société, la réponse juridique est structurellement défaillante.

Appelons un chat un chat : le protoxyde d’azote est un “angle mort” de la législation. Bien qu’une loi de 2021 tente de freiner sa distribution aux mineurs, elle n’a pas créé de délit spécifique de “conduite sous emprise”.

La conséquence est directe et majeure. Le N2O n’étant pas classé comme stupéfiant (contrairement au cannabis ou à la cocaïne), la circonstance aggravante automatique, qui double les peines, ne peut être retenue. Le conducteur de Raismes, aux facultés pourtant “manifestement altérées”, n’a donc pas vu la peine maximale encourue automatiquement doublée. C’est la première faille.

 

Volontaire ou non ? Le grand malaise du “dol éventuel”

 

La critique principale vise la qualification : pourquoi “blessures involontaires” ? Pour le public, un individu qui prend du N2O, conduit et refuse d’obtempérer est conscient du risque. Il accepte la probabilité de l’accident.

C’est là que le bât blesse. Ce que les juristes appellent le “dol éventuel” (je sais que c’est dangereux, mais je le fais quand même) est une notion que le droit pénal français est historiquement réticent à adopter.

Notre justice maintient une distinction binaire stricte :

  1. L’auteur voulait-il fuir la police ? Oui.
  2. L’auteur voulait-il percuter la victime ? Non.

Puisque l’intention de provoquer le résultat n’est pas prouvée, l’infraction reste “involontaire”, quelle que soit la gravité de la faute commise en amont. Le système, en se focalisant sur l’intention du résultat (non voulu) plutôt que sur la conscience du risque (pleinement accepté), est structurellement incapable de qualifier cet acte de “volontaire”. La “violation manifestement délibérée” est le seul et imparfait outil dont dispose le juge pour sanctionner cette prise de risque, en la qualifiant de “forme la plus grave de l’involontaire”.

 

12 mois ferme : une sanction laxiste ? Les chiffres disent le contraire.

 

Le véritable choc provient du ratio : 12 mois ferme pour 5 ans encourus (soit 20 % du maximum). Pour un individu multirécidiviste (14 mentions), cela semble dérisoire.

Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la peine de Raismes n’est pas “laxiste”. Elle est même statistiquement sévère.

Le chiffre choc : 4 %

Des travaux de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) sur la justice pénale sont formels : en France, les peines de prison ferme prononcées ne représentent, en moyenne, que 4 % du maximum légal (et 8 % si l’on inclut le sursis).

Armé de ces données, le jugement de Raismes doit être réévalué. Le fait que le tribunal ait prononcé 12 mois fermes pour une ITT de seulement 3 jours signifie qu’il a pris en compte la gravité exceptionnelle des faits (récidive, N2O, fuite) pour aller bien au-delà de ce qui se pratique habituellement.

L’indignation ne vise donc pas ce juge en particulier, mais un système pénal où les plafonds légaux sont des leurres déconnectés de la réalité des prétoires, et où la norme (4 %) est perçue comme socialement insuffisante.

 

La justice à deux vitesses : pourquoi le “patron” risque moins

 

Reste l’accusation sociologique : le “deux poids, deux mesures”. La justice serait-elle plus dure avec le délinquant routier qu’avec un “patron” pour une faute équivalente ?

L’analyse confirme le bien-fondé de cette perception, mais la disparité est subtile. Elle ne se trouve pas dans les peines maximales (l’abus de biens sociaux est puni de 5 ans, la fraude fiscale aggravée de 7 ans), mais dans les mécanismes d’engagement de la responsabilité.

Le “deux poids, deux mesures” est inscrit dans la structure même du droit :

  • Le délinquant routier (Raismes) : L’auteur est direct. Sa responsabilité est personnelle et non-délégable. Il est seul face à sa faute et ne peut s’en exonérer.
  • Le “Patron” (Chef d’entreprise) : En cas d’accident du travail (une faute de sécurité), le droit lui offre une échappatoire légale : la “délégation de pouvoir”. S’il prouve avoir transféré la responsabilité à un responsable hygiène et sécurité (pourvu de l’autorité et des moyens), le dirigeant peut légalement s’exonérer de sa responsabilité pénale.

Le conducteur de l’Audi S3, lui, ne peut déléguer sa conduite à personne. La disparité n’est pas une question de sévérité, mais de structure. Le droit offre des boucliers au dirigeant que le délinquant routier, auteur direct et isolé, ne possédera jamais.

L’affaire de Raismes est donc le cas d’école d’un système à bout de souffle. Un droit en retard sur les mœurs (le “vide” du N2O), une philosophie pénale qui peine à saisir la dangerosité des risques consciemment pris, et une sociologie de la justice qui crée des voies de responsabilité différentes selon la nature de la délinquance.