Indira Paganotto L’Odyssée Psychédélique de la guerrière Techno
Arnaud Sion qui fait partie de l’équipe culture et économie de Faut qu’on en parle, nous a aidé pour réaliser un article sur son DJ de coeur Indira Paganotto, grand fan d’Opéra, il a souhaité que nous réalisons un reportage sur la DJ qui peut devenir n°1 des meilleurs DJ dans le monde.
Le Sourire qui a Fait Trembler le Monde
La scène est presque irréelle, un tableau vivant de ferveur électronique. Des dizaines de milliers de corps ondulent en une seule entité sous les lumières kaléidoscopiques de la scène principale de Tomorrowland. Aux commandes de ce vaisseau sonique, une silhouette dégage une énergie qui semble pouvoir alimenter la ville entière. C’est Indira Paganotto, et elle sourit. Ce n’est pas un sourire timide ou calculé ; c’est une explosion de joie pure, un faisceau de lumière qui tranche l’obscurité du dancefloor. Et lorsque le kick drum s’efface un instant, laissant place à une ligne de synthétiseur psychédélique sinueuse et hypnotique, ce sourire s’élargit. La foule rugit. L’énergie est palpable, électrique.
Elle est la « Psymama », une icône de la musique électronique espagnole née en 1992, dont l’ascension fulgurante au cours des dernières années a redéfini les frontières de la techno. Connue pour ses sets à « l’effusive danceability » et ce sourire constant qui est devenu sa signature, elle est bien plus qu’une simple DJ. Elle est un phénomène, une force de la nature dont la présence derrière les platines est une déclaration en soi. Aujourd’hui, elle fait parti des 40 meilleurs DJ au monde et on comprend pourquoi.
Mais réduire son succès à une simple question de charisme serait une erreur monumentale. L’ascension irrésistible d’Indira Paganotto est en réalité l’aboutissement d’un voyage de plus d’une décennie, une odyssée marquée par une réconciliation personnelle avec ses racines, un défi artistique lancé à l’establishment, et une mission quasi révolutionnaire : injecter l’âme et la spiritualité de la psy-trance au cœur battant de la techno moderne. Son histoire n’est pas celle d’un succès éclair, mais celle de la conviction inébranlable d’une guerrière qui a forgé son propre son dans la solitude, pour finalement conquérir le monde.
Les Racines de l’Extase – Une Enfance entre Goa et Opéra
Pour comprendre la complexité sonore d’Indira Paganotto, il faut remonter à son « éducation musicale éclectique ». Son enfance, passée sur les îles Canaries, a été définie par une dichotomie d’influences aussi puissantes qu’opposées. D’un côté, son père : une figure fascinante, bien plus qu’un simple DJ des années 80. Son nom Alex paganotto. Sa collection de disques était la « bibliothèque parfaite » pour la jeune Indira, un trésor rempli de disco, de jazz, d’acid house et, surtout, de Goa trance, l’ensemble de ses musiques devaient tourner en boucle à la maison. De l’autre côté, sa mère, une femme italienne élégante, je me demande si sa mère à fait découvrir l’opéra à sa fille et la musique classique, car je trouve que c’est cela qui apporte une sensibilité artistique qui contrebalançait l’énergie brute de la culture rave.
Cette double exposition pour moi a semé les graines de la dualité qui définit aujourd’hui sa musique : la puissance rythmique et la profondeur émotionnelle, le « hardcore » et « l’art ». Pourtant, le chemin vers son sa signature n’a pas été une ligne droite. Au contraire, il a commencé par un rejet. On peut lire sur le web que Au début, elle détestais la Goa. Cette résistance initiale est la clé de voûte de son parcours artistique. Elle n’a pas simplement hérité d’un style ; elle a dû s’en éloigner pour mieux se l’approprier.
Son parcours n’est pas celui d’une héritière acceptant passivement son legs musical, mais celui de l’enfant prodigue. Sa carrière a débuté dans la house music, un genre bien éloigné des rythmes effrénés de la psy-trance. Ce détour n’était pas une errance, mais une étape nécessaire de sa quête d’identité. Ce n’est qu’après avoir exploré d’autres territoires sonores qu’elle a pu revenir à ses racines, non pas par obligation, mais par une prise de conscience profonde.
Il faut savoir que toutes les choses que vos pères vous apprennent reste en vous, même si vous essayez de le combattre.
Son style psy-techno n’est donc pas une simple fusion de genres ; c’est le résultat audible d’un processus de réconciliation intime avec sa propre histoire. C’est le son de la découverte de soi, une synthèse née d’un conflit interne résolu, ce qui lui confère une authenticité et un poids émotionnel rares.
Tableau : L’ADN Sonore d’Indira Paganotto
Nous pouvons peut-être oser se tableau pour comprendre son style. étant un grand fan d’Opéra, je retrouve dans sa musique une sonorité unique qui permet de nous faire rêver et voyager notre esprit.
Influence | Source | Genre | Artistes / Morceaux Spécifiques | Impact sur son style |
Paternelle | Père (DJ à Goa) | Goa Trance | Astral Projection – “Mahadeva” | L’épine dorsale psychédélique, les mélodies hypnotiques, l’énergie tribale. |
Acid House | Phuture – “Acid Tracks” | Les sonorités brutes, les lignes de basse grinçantes et trippantes. | ||
Disco | Donna Summer – “I Feel Love” | Le sens du groove, l’énergie euphorique et la capacité à faire danser. | ||
Jazz | Miles Davis – “So What” | Une approche libre de la structure, une sensibilité à l’improvisation. | ||
Maternelle | Mère (Italienne) | Opéra, Musique Classique | Non spécifié | La dimension émotionnelle, dramatique et artistique (“Art” dans ARTCORE). |
La Quête du Son – L’Exil et la Naissance du Psy-Techno
Le talent d’Indira Paganotto a été précoce. À seulement 17 ans, elle sort son premier vinyle, Underground Love, sur le label de la légende de la house Ian Pooley. Ce début prometteur la place sur une trajectoire house et techno plus conventionnelle. Cependant, une tension créative grandit en elle. Elle se sent à l’étroit, tiraillée entre la musique qu’elle produit et l’énergie plus brute, plus « caliente » et « gypsy » qui bouillonne à l’intérieur. Le point de rupture survient lorsqu’un « DJ très respecté » lui conseille de « suivre une seule ligne » et de ne surtout pas mélanger les genres. Ce conseil, bien que probablement bien intentionné, a l’effet d’un électrochoc. Plutôt que de se conformer, elle choisit la clandestinité artistique, créant un alias secret, ID-22, pour expérimenter librement, loin des regards et des attentes de l’industrie.
Cet acte de rébellion marque le début de son exil créatif volontaire. Pendant plus d’une décennie, elle se retire dans les montagnes de la Sierra de Madrid, s’isolant du monde pour se consacrer entièrement à la recherche de son son. Loin d’être une simple retraite, c’est une véritable forge. Comme chaque artiste vous passez par une période solitaire, une période ou vous allez vous construire. C’est là, dans son petit studio qu’elle pose les marques de sa musique.
Ce son, né de la solitude et du défi, n’est pas une réponse à une tendance du marché. Il a été créé en opposition directe aux normes de l’industrie qui lui dictaient de choisir un camp. Son isolement physique est devenu une métaphore de sa singularité artistique. En se coupant de la scène, elle s’est protégée des influences passagères et a pu puiser dans une source plus profonde : sa propre histoire. Cela réfute fondamentalement les critiques de certains puristes de la scène psy-trance qui qualifient sa musique d’« adaptation fortement commercialisée ». En réalité, son approche est celle d’une véritable auteure, qui a dû construire sa propre voie parce qu’aucune ne lui était offerte.
Inévitablement, lorsqu’elle a finalement dévoilé ce son hybride, le choc a été réel. Les puristes de la psy-trance ont crié au sacrilège, tandis que la scène techno la regardait avec méfiance. Pourtant, en parallèle de ces critiques, une demande latente pour ce type de son émergeait, avec des clubbers et des producteurs cherchant activement une « techno d’inspiration psy ». Indira n’a pas suivi une tendance ; elle l’a créée, répondant à un désir que beaucoup ne savaient même pas formuler.
L’Ascension d’une Icône – KNTXT et la Conquête Mondiale
Après plus de dix ans de travail acharné dans l’ombre, le moment de la validation arrive de la manière la plus spectaculaire qui soit. Prenant son courage à deux mains, Indira envoie ses morceaux à l’une des figures les plus puissantes de la techno mondiale : Charlotte de Witte. La réponse est immédiate et sans équivoque.
On a vu que Charlotte De Witte va la prendre sous son label avec Amélie Lens. Ce n’est pas seulement une signature sur un label ; c’est la reconnaissance par ses pairs que son long exil créatif a porté ses fruits. C’est le signal que le monde est enfin prêt pour le psy-techno.
Les deux EPs qui suivent sur le label KNTXT de Charlotte de Witte, Himalaya (2021) et Lions Of God (2022), agissent comme des déflagrations soniques. Ces disques sont ses cartes de visite mondiales, la synthèse parfaite de ses « douze années d’expérimentation ». Charlotte de Witte elle-même ne tarit pas d’éloges : « Indira est de retour!… ces morceaux ont anéanti tous les dancefloors », déclare-t-elle, confirmant l’impact dévastateur de cette nouvelle vague sonore. En quelques mois, le nom d’Indira Paganotto est sur toutes les lèvres.
La transition de son studio dans les montagnes aux scènes principales du monde entier est fulgurante. Son agenda explose, la propulsant en tête d’affiche des clubs et des festivals les plus prestigieux de la planète : Awakenings, Tomorrowland, Circoloco à DC-10, Amnesia Ibiza, EXIT Festival, EDC Las Vegas, Fabric London. Sa crédibilité est encore renforcée par une série de collaborations avec des titans de la musique électronique, prouvant sa capacité à transcender les genres. Elle travaille avec le maestro de la techno Joseph Capriati, l’icône underground Nina Kraviz, la légende de la trance Armin van Buuren, et réalise même un remix officiel pour le groupe mythique Depeche Mode.
Sur scène, son énergie est contagieuse. Les témoignages de fans affluent, décrivant ses sets à Tomorrowland comme incroyablement intenses avec des « vibes impeccables ». Elle n’est pas une DJ statique, concentrée sur ses machines. Elle danse, elle sourit, elle vit sa musique avec le public. Elle incarne sa propre philosophie : « on ne peut pas faire confiance à un DJ qui ne danse pas ». Cette connexion authentique avec la foule, cette joie communicative, devient une part essentielle de l’expérience Indira Paganotto, transformant chaque performance en une célébration collective.
ARTCORE – Plus qu’un Label, une Communauté de Guerriers
En 2022, au sommet de sa nouvelle gloire, Indira Paganotto franchit une nouvelle étape en lançant son propre label : ARTCORE. Le nom lui-même est un manifeste, une fusion de ses deux facettes : « Art », pour sa sensibilité et sa vision créative, et « Hardcore », pour l’énergie brute et sans compromis de sa musique. La mission d’ARTCORE est claire : offrir un foyer aux artistes uniques et inclassables, ceux qui, comme elle, ont eu du mal à trouver leur place dans un système qui privilégie les étiquettes. Le label devient une plateforme pour le talent authentique, quelle que soit sa forme.
Le premier EP du label, Guns & Horses, est une déclaration d’intention audacieuse. Le morceau d’ouverture, « Jambo », est particulièrement révélateur : il fusionne une techno percutante, des nappes psychédéliques et des riffs de guitare flamenco endiablés. C’est un geste courageux, un symbole de la liberté créative totale qu’elle entend promouvoir. ARTCORE n’est pas destiné à être un simple label de psy-techno ; c’est un espace d’expérimentation sans limites.
Mais la vision d’Indira va au-delà de la musique. Elle cherche à construire une véritable communauté. C’est pourquoi elle ne parle pas de « fans », mais de « guerriers » (warriors). Ce terme n’est pas anodin. Il est né de son insatisfaction face à l’ambiance parfois froide et impersonnelle de certains clubs techno. « Les gens dansent simplement ; personne ne sourit, personne ne se regarde comme une communauté », observe-t-elle. Son objectif est d’importer l’esprit de communion et de bienveillance des festivals trance dans l’univers de la techno.
Cette ambition n’est pas qu’un simple concept marketing ; c’est une intervention culturelle délibérée. Sa performance scénique, son sourire omniprésent et son interaction constante avec le public sont les manifestations physiques de cette philosophie. Elle cherche activement à remodeler l’expérience sociale du dancefloor techno, en défiant le stoïcisme et l’anonymat souvent associés au genre pour les remplacer par une éthique plus expressive, connectée et joyeuse. Dans un monde où la techno peut parfois se prendre très au sérieux, son sourire est un acte révolutionnaire. Il est le symbole d’une communauté unie non seulement par un tempo, mais par un sentiment partagé d’extase et de libération.
L’Avenir est Psychédélique
Le parcours d’Indira Paganotto est une épopée moderne. C’est l’histoire d’une jeune artiste prise entre les mondes musicaux de ses parents, qui a dû rejeter son héritage pour mieux le reconquérir, forgeant un son entièrement nouveau dans la solitude et le défi. Elle a non seulement réussi à rendre un son de niche accessible à un public mondial, mais elle a aussi fait exploser les barrières entre les genres, prouvant que l’authenticité et l’innovation peuvent triompher du purisme.
Plus important encore, elle a bâti un mouvement mondial fondé sur la joie et la connexion. En défiant les conventions et en plaçant l’émotion au centre de sa musique, elle a prouvé que la techno pouvait être à la fois puissante et chaleureuse, intense et inclusive.
Aujourd’hui, son odyssée est loin d’être terminée. Avec sa tournée mondiale ARTCORE qui continue de faire salle comble, sa première résidence à Ibiza qui confirme son statut d’icône, et la promesse d’un premier album qu’elle décrit sobrement comme « l’histoire de ma vie », l’avenir s’annonce encore plus radieux.
En fin de compte, l’image qui restera est celle d’Indira derrière les platines, un sourire indéfectible aux lèvres. Ce sourire n’est plus seulement une expression de bonheur ; il est le symbole de toute sa philosophie. C’est le témoignage d’une décennie de travail acharné, la marque de sa victoire sur les doutes et les critiques, et la preuve vivante qu’il est possible de rester fidèle à soi-même et de trouver une joie immense dans ce processus. Elle est la guerrière souriante qui a déjà gagné, et ses mots résonnent comme un mantra pour tous ceux qui l’écoutent : « Je veux juste continuer et être heureuse! ». Le monde de la musique électronique n’a pas fini de danser avec elle.