Le Contrat Rafale-Ukraine : Le Prix de la Souveraineté

 

Entre la crainte d’un “verrouillage” américain et les tensions budgétaires françaises, analyse d’une vente d’armes à 25 milliards d’euros qui redéfinit l’autonomie stratégique européenne.

Vous allez tout comprendre sur le contrat qui a été signé par une mise en scène incroyable. Derrière le coup du financement, la France vient de mettre un uppercute à Donald Trump, Donald en PLS ? Car les européens vont financer une industrie européenne et non les USA.

Le Contrat Rafale-Ukraine Le Prix de la Souveraineté

Le Contrat Rafale-Ukraine Le Prix de la Souveraineté

Kiev-Paris : Une Alliance Aéronautique à 100 Rafale

 

L’accord de Villacoublay : Un Cadre Politique à 25 Milliards

 

Le 17 novembre 2025 restera une date majeure. Entre la base aérienne de Villacoublay et le Palais de l’Élysée, les présidents ukrainien et français ont scellé un accord-cadre historique. Il ne s’agit pas encore d’un contrat ferme et détaillé, mais d’une “déclaration d’intention” qui, selon les termes du document, établit un engagement politique et industriel majeur. Des rumeurs et discussions actives, selon plusieurs sources concordantes, circulaient depuis au moins octobre 2025, signalant des négociations déjà avancées.

Le périmètre de cet accord est massif. Il porte sur l’acquisition par l’Ukraine “de l’ordre de 100 Rafale”. Précision cruciale : il ne s’agit pas uniquement d’une vente d’avions. L’accord-cadre englobe un écosystème de défense complet : les armements associés aux appareils, des systèmes de défense aérienne SAMP-T (dits “nouvelle génération”), ainsi que des radars et des drones, confirme-t-on de source proche du dossier.

L’enveloppe financière estimée est à la hauteur de l’enjeu stratégique : “vraisemblablement supérieur à 20 voire 25 milliards d’euros”. Ce montant, bien que colossal, est cohérent. En janvier 2024, pour mémoire, le ministère français des Armées avait commandé 42 Rafale au standard F4 pour “plus de 5 milliards d’euros”. Plus récemment, en mars 2025, la finalisation des négociations pour 26 Rafale Marine destinés à l’Inde était évaluée à 3,8 milliards d’euros. L’estimation de 20 à 25 milliards pour 100 appareils ukrainiens, incluant formation, maintenance à long terme et un stock complet d’armements complexes, apparaît donc comme un ordre de grandeur réaliste.

Cet accord est explicitement projeté sur “une dizaine d’années”. Ce format de “déclaration d’intention” pluriannuelle est la seule structure viable pour une commande de cette ampleur. Il permet de lisser l’effort industriel pour Dassault Aviation, qui doit déjà augmenter ses cadences de production pour satisfaire les contrats existants, tout en structurant un plan de financement soutenable pour un pays en guerre.

La Stratégie Aérienne de Kiev : L’Équilibre à Trois Piliers

 

L’acquisition des Rafale ne doit pas être analysée isolément. Elle s’inscrit dans une doctrine mûrement réfléchie par Kiev pour constituer sa force aérienne de l’après-guerre. L’objectif ukrainien, selon plusieurs analystes militaires, est de se doter d’une flotte de 250 à 300 avions de combat occidentaux modernes pour remplacer son parc hérité de l’ère soviétique.

Pour ce faire, le président Volodymyr Zelensky a lui-même confirmé mener “trois conversations parallèles”, visant à équilibrer sa flotte autour de trois appareils distincts :

  • Le F-16 Fighting Falcon (États-Unis) : Il s’agit de l’épine dorsale quantitative de la future flotte. Environ 90 appareils ont été promis par divers États européens. Ils représentent la solution la plus rapidement disponible en grand nombre pour remplacer les MiG et Sukhoï.

  • Le JAS-39 Gripen (Suède) : Il représente l’option “low-cost” et agile. Le président Zelensky a publiquement loué le Gripen comme étant “bien adapté” aux conditions ukrainiennes et intégrable “sans délai”. Une lettre d’intention distincte aurait été signée avec la Suède pour 100 à 150 Gripen E, selon des informations de la presse spécialisée.

  • Le Dassault Rafale (France) : Il constitue le “haut du spectre” de cette flotte. Les analystes s’accordent à dire que le Rafale sera “le plus cher et le plus grand” des chasseurs ukrainiens, destiné aux missions les plus complexes : supériorité aérienne, frappes stratégiques en profondeur et missions de reconnaissance avancée.

Un quatrième appareil, le F-35 Lightning II américain, a bien suscité l’intérêt de Kiev. Cependant, les chances que l’Ukraine reçoive cet avion de 5e génération à court ou moyen terme sont jugées “extrêmement minces” par les experts du secteur.

L’analyse de la flotte démontre donc que le Rafale n’est pas en concurrence avec le F-16. Il vient combler un besoin différent. Le F-16 et le Gripen constituent la masse (“low-mix”) de la force aérienne, tandis que le Rafale est acquis pour tenir le rôle stratégique (“high-mix”) que le F-35, politiquement et technologiquement inaccessible, ne peut pas remplir. L’accord pour 100 Rafale est donc un choix stratégique majeur pour remplacer le F-35 dans la doctrine ukrainienne future.

L’Ombre de Washington : Le “Risque Trump” et le Verrouillage du F-35

 

Le Contexte Géopolitique : L’Europe face à “Trump 2.0”

 

Pour comprendre la décision de Kiev, l’analyse du contexte géopolitique de 2025 est impérative. L’inauguration de la seconde administration Trump en janvier 2025 a provoqué une onde de choc dans les capitales européennes. Cette nouvelle administration est largement perçue comme “isolationniste”, profondément “sceptique de l’OTAN” et, surtout, “opposée au soutien continu des États-Unis à l’Ukraine”.

Pour l’Europe, ce retournement politique constitue un “signal d’alarme” (wake-up call), de l’avis de nombreux diplomates. Les dirigeants du continent, Emmanuel Macron en tête, considèrent désormais la Russie comme une “menace existentielle” et ont été contraints d’acter que les États-Unis ne sont plus un garant de sécurité inconditionnel et fiable, comme le soulignent plusieurs notes de think tanks bruxellois.

L’incertitude est devenue la nouvelle norme. L’administration américaine blâme publiquement l’Ukraine pour la guerre, mène des négociations unilatérales avec le président russe en excluant les Européens, et suggère que l’Europe devrait payer 5% de son PIB pour sa propre défense.

La Crainte Ukrainienne : Le Précédent du F-35

 

Cette volatilité politique a des conséquences directes sur les contrats d’armement. L’Europe observe avec inquiétude les “réticences” (getting cold feet) du Portugal concernant son propre achat de F-35, motivées par “l’incertitude de la politique américaine”, rapportait récemment la presse lusitanienne. La crainte, partagée par de nombreux alliés, est que l’administration américaine n’utilise “le contrôle de la fabrication américaine pour appliquer des pressions”.

Pour l’Ukraine, cette menace est existentielle. En acceptant des dizaines de F-16, Kiev a, de fait, placé sa supériorité aérienne entre les mains du bon vouloir de la Maison Blanche. Selon une analyse stratégique ukrainienne, doubler cette dépendance en y ajoutant, hypothétiquement, des F-35, reviendrait à donner à Washington un contrôle absolu sur la capacité de l’Ukraine à se défendre.

Le “Kill Switch” : Le Verrouillage Logistique et Logiciel (La Vraie Menace)

 

La peur de Kiev n’est pas un fantasme : elle repose sur une réalité technique et structurelle des systèmes d’armes américains, en particulier le F-35. Il est souvent question d’un “kill switch” (interrupteur d’arrêt) physique, mais selon les experts en armement, cette idée est un mythe. La réalité est plus simple et plus implacable : le F-35 n’a pas besoin d’un “kill switch” physique, car il est conçu pour une dépendance totale.

Ce verrouillage s’opère sur deux niveaux critiques :

1. Le Verrou Logistique (Les Pièces de Rechange)

Le véritable “kill switch”, ce sont les pièces de rechange. Le programme F-35 a été conçu de manière à ce que Lockheed Martin et le Département de la Défense (DoD) américain conservent un contrôle quasi total sur la maintenance et la chaîne logistique, comme le détaillent de nombreux rapports industriels. Les utilisateurs étrangers, y compris les alliés proches, n’ont qu’un accès très limité aux données techniques.

De nombreux composants essentiels, de véritables “boîtes noires” électroniques, sont scellés et doivent être physiquement renvoyés à des installations désignées aux États-Unis pour la moindre réparation. Washington n’a donc pas besoin d’un embargo formel pour clouer au sol la flotte d’un allié. Il lui suffit de “couper le soutien logistique”, et la flotte deviendra inutilisable “assez rapidement” faute de pièces et de maintenance autorisée, comme l’admet un ingénieur du secteur sous couvert d’anonymat.

2. Le Verrou Logiciel (Le Cerveau de la Mission)

Plus critique encore est la dépendance logicielle. Le F-35 opère via un réseau “cloud” centralisé, connu sous le nom d’ALIS (Autonomic Logistics Information System) et son successeur, ODIN (Operational Data Integrated Network). Ce réseau, géré depuis les États-Unis, ne sert pas qu’à la logistique.

Sa fonction la plus stratégique est de développer et de télécharger sur les appareils les “Mission Data Files” (MDFs). Ces MDFs sont le cerveau de la mission : ils contiennent toutes les données de renseignement (SIGINT), les signatures radar des menaces ennemies, les plans de vol et les contre-mesures électroniques.

Sans des MDFs à jour, les capacités de l’avion sont “massivement dégradées”. Expliquent les pilotes, un F-35 avec des données de mission obsolètes perd son avantage informationnel, devient vulnérable à la détection et ne peut plus survivre dans un espace aérien contesté. Or, les nations partenaires, même au sein de l’OTAN, n’ont pas le droit de développer, tester ou charger leurs propres MDFs en dehors des installations et des protocoles contrôlés par les États-Unis.

En conclusion, si une administration Trump décidait de “lâcher” Kiev, elle n’aurait qu’à cesser de fournir les pièces de rechange et, surtout, de mettre à jour les MDFs. La flotte de F-16 et d’hypothétiques F-35 ukrainiens serait neutralisée sans qu’un seul coup de feu soit tiré.

Cette dépendance n’est pas une faille de conception ; c’est une caractéristique structurelle (a feature, not a bug) garantissant la primauté stratégique américaine. Face à un allié devenu imprévisible, l’Ukraine ne peut pas fonder sa survie nationale sur un tel système. L’achat de 100 Rafale est la police d’assurance géopolitique contre ce risque.

Le Rafale : L’Assurance-Vie “ITAR-Free”

 

Le Rafale comme “Outil de Souveraineté Nationale”

 

La philosophie de conception du Rafale est aux antipodes de celle du F-35. L’appareil de Dassault a été conçu dès l’origine pour garantir l’autonomie stratégique de la France, notamment pour sa mission de dissuasion nucléaire. Il a été développé pour remplacer à lui seul sept types d’aéronefs différents des armées françaises.

Historiquement, la France a toujours positionné ses contrats d’armement comme un “multiplicateur de puissance et un outil de souveraineté nationale”, selon la doctrine officielle du ministère des Armées. En achetant le Rafale, l’Ukraine n’achète pas seulement un avion ; elle achète cette philosophie d’indépendance opérationnelle, une rareté sur le marché mondial des chasseurs.

Le Précédent Clé : L’Incident du SCALP en Égypte (2018)

 

Ce qui n’était qu’une théorie sur la dépendance américaine est devenu une réalité brutale en 2018. L’administration Trump, la première, a activement bloqué une vente de missiles de croisière SCALP (fabriqués par le consortium européen MBDA) destinés à l’Égypte.

La cause du blocage était un composant électronique mineur, une puce de fabrication américaine, logée au cœur du missile. Invoquant sa réglementation sur le trafic d’armes, la fameuse ITAR (International Traffic in Arms Regulations), Washington a fait valoir son droit de veto. La réglementation ITAR permet en effet aux États-Unis de contrôler l’exportation de tout système d’arme, même étranger, qui contient ne serait-ce qu’un seul composant sensible américain.

Les conséquences furent immédiates. L’Égypte avait conditionné l’achat de 12 avions Rafale supplémentaires à la livraison de ces missiles de croisière. Le veto ITAR de Washington n’a donc pas seulement bloqué une vente de missiles ; il a gelé l’intégralité du contrat Rafale, rappellent les chroniqueurs défense de l’époque.

La Riposte Industrielle : La Naissance du “ITAR-Free”

 

Cet incident a provoqué un électrochoc à Paris. La ministre des Armées de l’époque, Florence Parly, avait dû reconnaître publiquement la vulnérabilité de l’industrie française : “Il est vrai que nous dépendons de ce mécanisme : Nous sommes à la merci des Américains”, avait-elle déclaré devant le Sénat.

Face à ce constat, la solution était claire et fut annoncée par la ministre elle-même : “Que le fabricant de ces missiles, à savoir MBDA, fasse l’investissement en recherche et technologie pour pouvoir fabriquer un composant similaire, qui éviterait l’ITAR”.

La France a investi. Et elle a réussi. En mai 2021, l’Égypte a pu signer une nouvelle commande massive pour 30 Rafale supplémentaires. Ce contrat n’a été rendu possible que parce que la France avait, entre-temps, réussi à développer et à produire une version du missile SCALP devenue “ITAR-free”, en remplaçant les composants américains par des équivalents souverains, comme l’a confirmé plus tard le PDG de MBDA.

L’Arsenal de l’Autonomie pour Kiev

 

Lorsque l’Ukraine signe sa déclaration d’intention pour 100 Rafale en 2025, elle achète cet écosystème d’armement complet, prouvé comme étant souverain. Elle n’achète pas seulement un avion, mais la garantie de pouvoir l’armer, quel que soit le locataire de la Maison Blanche.

Cet arsenal de l’autonomie inclut :

  • SCALP-EG / Storm Shadow : Le missile de croisière qui, grâce à l’incident de 2018, est désormais certifié “ITAR-free”.

  • MICA NG (Nouvelle Génération) : Le principal missile air-air du Rafale, de conception 100% française (MBDA), pour l’interception et le combat.

  • METEOR : Le missile air-air à très longue portée (BVRAAM), fruit d’une coopération européenne (MBDA) spécifiquement conçue pour garantir l’autonomie du continent face aux solutions américaines.

Le blocage ITAR de 2018, initié par la première administration Trump, apparaît rétrospectivement comme une bénédiction déguisée pour Dassault. Sans cet incident, la France n’aurait aujourd’hui qu’un argument commercial d’autonomie. Grâce à cet incident, elle dispose d’une preuve historique et technique. Kiev n’achète pas une promesse ; elle achète un précédent.

Si le Rafale est réputé plus cher à l’achat, le coût réel du F-35 n’est pas son prix d’achat ; c’est la perte totale de souveraineté stratégique qu’il impose. L’Ukraine, face à un risque existentiel, a simplement calculé que le coût de la dépendance était infiniment supérieur au coût de l’autonomie.

Tableau 1 : Comparaison de la Dépendance Stratégique (F-35 vs. Rafale)

 

Critère F-35 Lightning II (États-Unis) Dassault Rafale (France)
Philosophie de Conception Système d’arme intégré dans l’écosystème militaire US. Dépendance conçue comme une garantie de l’alignement politique. Outil de souveraineté nationale. Conçu pour l’indépendance stratégique et la dissuasion nucléaire.
Contrôle Logistique (Pièces) Totalement centralisé aux États-Unis (Lockheed/DoD). Pièces critiques scellées. “Kill switch” logistique. Contrôlé par l’acheteur et Dassault. Transferts de technologie possibles. Pas de dépendance à une puissance tierce.
Contrôle Logiciel (Missions) Critique. Dépendance au réseau US (ALIS/ODIN) pour les “Mission Data Files” (MDFs). Capacités “massivement dégradées” sans mises à jour US. L’utilisateur contrôle ses données de mission. Logiciel ouvert à l’intégration d’armements “clients”.
Contrôle des Armements Limité aux armements approuvés et intégrés par les États-Unis. Vulnérable à la réglementation ITAR. Écosystème européen souverain (MICA, METEOR, SCALP). Prouvé “ITAR-Free” après l’incident égyptien de 2018.
Risque Géopolitique Vulnérable aux changements politiques à Washington (ex: “Risque Trump”). Vulnérable aux changements politiques à Paris. (Jugé comme un risque moindre et aligné pour Kiev).

“Qui Paie?” : Le Mécanisme de Financement d’un Contrat à 25 Milliards

 

L’équation stratégique étant résolue, reste l’équation financière. L’Ukraine, dont l’économie est ravagée par la guerre, ne dispose pas de 25 milliards d’euros. Comment ce contrat peut-il être financé, alors que l’économie française elle-même est sous une pression intense?

Le Mythe de la “Gratuité”

 

Il faut d’emblée écarter l’idée d’une “vente gratuite”. Il est essentiel de distinguer deux mécanismes de soutien :

  1. Les Dons : Ce sont les matériels prélevés directement sur les stocks des armées françaises (canons CAESAR, missiles SCALP, ou les Mirage 2000 promis). Ces dons sont “gratuits” pour Kiev, mais représentent un coût budgétaire direct pour le contribuable français, car ce matériel doit être remplacé.

  2. Les Contrats d’Exportation : L’accord pour les 100 Rafale est un contrat commercial d’exportation. L’Ukraine achète ces avions neufs à Dassault Aviation. La question n’est donc pas “si” Kiev paie, mais “comment” elle paie.

Le Montage Financier : Le “Crédit-Acheteur” Garanti par l’État

 

La solution réside dans un mécanisme financier éprouvé, utilisé par la France pour la plupart de ses grands contrats d’armement, notamment avec l’Égypte et l’Inde. Ce montage, complexe, se déroule en plusieurs étapes, décrit une source au ministère des Finances :

  1. Le Prêt Bancaire (Crédit-Acheteur) : Un consortium de banques privées, très probablement françaises (comme BNP Paribas, Crédit Agricole, ou Société Générale), accorde un prêt à long terme à l’acheteur, c’est-à-dire à l’État ukrainien. Dans le cas de la commande égyptienne de 2021, ce crédit couvrait 85% du montant total.

  2. La Garantie d’État : Aucune banque commerciale n’accepterait de prêter 25 milliards d’euros à un pays en guerre sans une garantie absolue.

  3. L’Intervention de Bpifrance : C’est là que l’État français intervient. Via sa banque publique d’investissement, Bpifrance Assurance Export (qui a repris la gestion des garanties publiques de la COFACE en 2016), l’État apporte sa “garantie publique” au prêt.

  4. Le Fonctionnement de l’Assurance : Bpifrance assure le prêt bancaire. Concrètement, si l’Ukraine fait défaut et se trouve dans l’incapacité de rembourser les banques, c’est l’État français – et donc le contribuable – qui devra payer les échéances à sa place. Généralement, cette garantie couvre 95% du risque, les banques en conservant 5% pour les responsabiliser.

  5. La Prime de Risque : Ce service d’assurance n’est pas gratuit. L’Ukraine doit s’acquitter d’une “prime” d’assurance, payée à Bpifrance, dont le montant est calculé en fonction de la “catégorie de risque” du pays.

Le Coût Immédiat vs. le Risque à Terme pour le Contribuable Français

 

Ce mécanisme répond à la question “qui paie?”.

  • Coût Immédiat pour l’État : 0 €. En 2025, l’État français ne débourse pas 25 milliards d’euros. Il engage sa signature. Ce sont les banques qui fournissent l’argent liquide à Dassault, permettant à l’industriel de lancer la production, de sécuriser son plan de charge et de payer ses 500 sous-traitants.

  • Risque à Terme pour le Contribuable : 25 Milliards €. Le contribuable français devient l’assureur du contrat. Si, dans 10 ou 15 ans, l’Ukraine s’effondre économiquement ou fait défaut, l’État français sera tenu de rembourser les banques.

  • Bénéfices Immédiats pour l’État : L’État perçoit la prime d’assurance. Surtout, 25 milliards d’euros irriguent l’industrie de défense nationale, générant des emplois, des cotisations sociales et des rentrées de TVA et d’impôt sur les sociétés.

Ce mécanisme est donc profondément politique. En garantissant ce prêt, la France ne fait pas qu’assurer une vente. Elle lie sa propre santé financière à la survie et à la solvabilité future de l’Ukraine. C’est un engagement de sécurité bien plus contraignant qu’un simple don. Paris parie 25 milliards d’euros sur la victoire et la reconstruction de Kiev.


L’Équation Domestique : L’Effort de Guerre face à la Crise Sociale

 

Ce pari financier de 25 milliards d’euros est pris dans un contexte socio-économique français exceptionnellement tendu. L’affirmation selon laquelle “les Français n’ont plus d’argent” est largement validée par les indicateurs économiques de 2024-2025.

Le Contexte Socio-Économique : La France en 2025

 

Le contrat ukrainien intervient alors que la France fait face à de multiples crises internes :

  • La Pauvreté : Les données les plus récentes, publiées début 2025 (portant sur 2022), révèlent que 5,1 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté (fixé à 50% du revenu médian). Le taux de pauvreté, note l’Observatoire des inégalités, “ne cesse d’augmenter”.

  • La Pression Fiscale : La France conserve l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés du monde, s’établissant à 42,8% du PIB en 2024, selon l’INSEE. L’année 2025 est de plus marquée par une hausse de 21 milliards d’euros de ces prélèvements, qualifiée de “choc fiscal” par l’institut Rexecode.

  • La Dette Publique : La situation des finances publiques est alarmante. La dette publique atteint le niveau record de 115,6% du PIB au deuxième trimestre 2025, toujours selon l’INSEE, et les prévisions la voient continuer de grimper à 117,9% en 2026.

  • Les Déficits : Le déficit budgétaire prévisionnel pour 2025 atteint 159,8 milliards d’euros. Les dépenses publiques, elles, continuent leur progression pour atteindre 1 696,4 milliards d’euros en 2025, selon les données du Trésor.

Le Paradoxe de l’opinion française

 

Ce contexte de “tensions sociales croissantes”, qui rappelle le mouvement des “gilets jaunes”, alimente logiquement un débat parlementaire intense sur le coût de l’engagement français en Ukraine.

Pourtant, l’analyse de l’opinion publique révèle un paradoxe saisissant. Malgré cette crise sociale et ce “choc fiscal”, un sondage récent IFOP montre qu’une large majorité de Français (68%) se déclare favorable à une augmentation du budget consacré à la Défense. La solidarité avec l’Ukraine, bien qu’érodée, reste perçue comme une marque de “lucidité” face à la menace russe, selon les politologues analysant ces chiffres.

Ce paradoxe s’explique par une hiérarchisation des risques. La crise économique est une réalité, mais la menace sécuritaire (une défaite ukrainienne, une Russie agressive aux frontières de l’OTAN) et le vide stratégique laissé par les États-Unis sont perçus par une majorité de la population comme un danger plus existentiel encore. Le gouvernement ne navigue pas contre l’opinion publique ; il gère sa contradiction : “Nous sommes sous pression économique, mais nous avons peur.”

Cette situation rend le mécanisme de financement par garantie d’État non plus un choix, mais une obligation. Un pays avec une dette de 115,6% du PIB ne peut pas financer 25 milliards d’aide par un prélèvement sur son budget. Le financement par la dette (le “crédit-acheteur” garanti) est la seule solution politiquement viable, car elle masque le coût immédiat en le transformant en risque futur.

Tableau 2 : Indicateurs Économiques et Sociaux de la France (2024-2025)

 

Indicateur Donnée (2024-2025) Source (Exemple)
Dette Publique (T2 2025) 115,6 % du PIB INSEE
Déficit Budgétaire (Prév. 2025) 159,8 Milliards € Trésor / Projet de Loi de Finances
Taux de Prélèvements Obligatoires 42,8 % (2024) / 43,6% (2025) INSEE / Rexecode
Hausse des Prélèvements (2025) + 21 Milliards € (“Choc fiscal”) Rexecode
Seuil de Pauvreté (à 50%) 5,1 Millions de personnes (Données 2022) Observatoire des inégalités
Croissance Économique (2025) + 0,5 % (T3 2025 vs T3 2024) INSEE

Un Impératif Stratégique déguisé en Contrat Commercial

 

L’accord-cadre pour 100 Rafale n’est pas un simple contrat d’armement. C’est la manifestation la plus spectaculaire d’une profonde reconfiguration géopolitique où la fiabilité politique l’emporte désormais sur l’interopérabilité pure.

Pour Kiev, c’est l’achat d’une “assurance-vie”. Face au risque de se retrouver seul face à la Russie si Washington, sous administration Trump, se retire, l’Ukraine diversifie ses dépendances. Le choix du Rafale “ITAR-free” est un choix technique dicté par une peur politique viscérale : celle de voir ses avions cloués au sol par un simple ordre venu de Washington.

Pour Paris, c’est un pari à 25 milliards d’euros. Géopolitiquement, c’est l’aboutissement du concept d’ “autonomie stratégique”, positionnant la France en garant de la sécurité européenne en comblant le vide laissé par les États-Unis. Industriellement, c’est la validation de son modèle d’indépendance (Dassault, MBDA) et une charge de travail vitale pour sa base de défense. Financièrement, c’est un risque immense, assumé in fine par le contribuable, et justifié uniquement par l’impératif stratégique.

L’analyse valide les inquiétudes socio-économiques. La France, confrontée à une dette massive, à un “choc fiscal” et à une pauvreté croissante, engage sa signature sur des dizaines de milliards d’euros.

La garantie d’un tel prêt est un fardeau pour une nation déjà sous pression. L’argument final du gouvernement français, et le calcul implicite de l’opinion publique, est que le coût de l’inaction serait infiniment plus élevé. Une défaite ukrainienne, une Russie victorieuse aux frontières de l’OTAN et des États-Unis isolationnistes représenteraient un effondrement sécuritaire dont le coût économique éclipserait la crise actuelle.

L’accord Rafale n’est donc pas une “dépense” au sens traditionnel. C’est un investissement stratégique, financé par un risque financier, pour éviter un effondrement sécuritaire.