Que faire ce week-end à Marseille. Oubliez la grisaille de Paris ou de Londres. À Marseille, mi-novembre, la Méditerranée offre une clarté que le nord ne connaît plus. La ville, libérée de la frénésie du tourisme de masse et du fracas d’un match de l’OM à domicile, respire. L’air est doux, vibrant, avec un soleil d’été indien qui promet des 17°C cléments. C’est un moment privilégié. La lumière d’automne, plus basse, plus dorée, n’est pas un détail : c’est le projecteur qui sculpte l’architecture et révèle la vérité d’une ville sans son masque estival.

Que faire à Marseille se Week-end du 11 au 12 octobre
Mardi 14 Novembre : Les Fondations et l’Utopie
09h00. L’itinéraire commence par l’icône, le Vieux-Port, pour mieux la déconstruire. À cette heure, la lumière rasante frappe le port de côté, illuminant la façade de la Mairie et laissant l’autre rive dans un contre-jour parfait, dominé par la silhouette de Notre-Dame de la Garde. Sur le Quai des Belges, le marché aux poissons n’est plus la criée centrale d’antan, mais un “théâtre de l’authenticité”. Quelques pêcheurs vendent la pêche du jour depuis leurs “pointus”. L’absence de foule permet de s’attarder, de saisir des visages burinés par le sel, des mains qui démêlent les filets. C’est une scène humaine, puissante, dans un cadre monumental.
10h30. La première contrainte logistique devient une opportunité narrative. Le MUCEM, musée national, est fermé ce mardi. Mais les musées municipaux, eux, sont ouverts. Ce pivot nous amène à une visite plus fondamentale : le Musée d’Histoire de Marseille (MHM). À quelques pas, dans le Centre Bourse, il expose les fondations littérales de la cité. L’angle est puissant : commencer non par l’art contemporain, mais par la genèse. On y marche sur les vestiges du port grec antique, découverts lors de la construction du centre commercial. C’est ici que l’on saisit 2 600 ans d’histoire, de commerce et d’immigration. C’est le “pourquoi” de Marseille, avant d’explorer son “comment”.
14h00. L’après-midi est un pèlerinage architectural : La Cité Radieuse. L’accès à cette utopie verticale de Le Corbusier, à son toit-terrasse et à l’appartement-témoin, exige une réservation préalable. Sans elle, l’expérience est incomplète. La lumière douce de novembre est magnifique sur le toit-terrasse, siège du centre d’art MAMO. La visite est une leçon sur l’audace du XXe siècle, où la mer omniprésente dialogue avec les brise-soleils colorés des loggias.
17h00. Le retour se fait par la Corniche Kennedy, pour capturer le crépuscule sur la mer d’hiver. Le Vallon des Auffes, rendu à lui-même, est le point de chute. Les filets sèchent sur les quais, les “pointus” se balancent. C’est une image mélancolique, à des années-lumière des plongeons acrobatiques de l’été. C’est l’heure d’un apéritif face aux îles du Frioul. Pour la bouillabaisse, Chez Fonfon est une référence, mais exige un budget et une réservation. La question gastronomique sera traitée plus tard.
Samedi 15 Novembre : Le Ventre et le Cœur
09h00. Immersion sensorielle à Noailles, le “Ventre de Marseille”. C’est le souk perpétuel où l’Afrique du Nord, l’Arménie et la Provence commercent. L’air sent les épices et les grillades. Chez Saladin, institution tenue par la même famille depuis des décennies, on ne vend pas seulement des épices, on raconte la Méditerranée. Un mercredi de novembre, ce sont les habitants et les chefs de la “nouvelle garde” qui font leurs courses, pas les groupes de croisière. C’est la preuve que le cosmopolitisme marseillais est une réalité quotidienne.
11h30. Le MUCEM est désormais ouvert. En novembre, l’expérience est d’abord architecturale. La lumière, filtrant à travers la résille de béton de Rudy Ricciotti, crée des jeux d’ombre hypnotiques. Mais l’angle du jour est thématique. L’exposition “Barvalo”, qui retrace l’histoire des Roms et Gens du Voyage, entre en résonance directe avec l’immersion populaire de Noailles le matin même. Marseille, ville-porte, ville-refuge. “Barvalo” offre le pendant intellectuel à l’expérience sensorielle, une réflexion sur l’altérité et l’identité. L’exposition “Fashion folklore” offre, elle, un contrepoint visuel plus léger.
16h00. Déambulation critique dans Le Panier. En novembre, le plus vieux quartier de France révèle sa structure : un miroir de la gentrification, où les boutiques de souvenirs standardisées côtoient les ateliers d’artisans authentiques qui résistent. Le point focal est La Vieille Charité. Cet ancien hospice, chef-d’œuvre de Pierre Puget, est un havre de paix. Sa cour intérieure et sa chapelle baroque, quasi-désertes, offrent un moment de contemplation pure.
19h30. Le dîner doit questionner le cliché. La bouillabaisse est un choix attendu et coûteux. La véritable énergie culinaire de Marseille se trouve dans la “nouvelle garde” : de jeunes chefs qui proposent, souvent près de Noailles ou du Cours Julien, une cuisine créative basée sur la pêche du jour et les vins nature. Un dîner à La Mercerie ou Livingston (privilégiant les petites assiettes à partager) est plus représentatif de la scène actuelle. Une note d’expert s’impose : ce n’est pas la saison des oursins ; la “grande bleue” ne commence que fin décembre.
Dimanche 16 Novembre : La Fabrique de la Ville, de la Friche aux Calanques
10h00. Le dernier jour explore le Marseille de demain. Si le MUCEM est la culture “d’en haut”, la Friche la Belle de Mai est la culture “d’en bas”. Cette ancienne usine de tabac est un immense laboratoire post-industriel, une utopie horizontale abritant ateliers, salles de concert et un skatepark. L’exposition “Grains de la colère” y explore les liens entre art et écologie. La Friche et la Cité Radieuse sont deux réponses, à 70 ans d’intervalle, à la même question : comment vivre ensemble en ville ?
12h30. La descente vers le centre passe par le Cours Julien, l’axe créatif du street-art et des boutiques vintage. L’escalier monumental, couvert de graffitis, est une scène en soi. Le déjeuner se prend à L’Idéal, l’épicerie-cantine de Julia Sammut. C’est le lieu qui fait le lien parfait entre les produits bruts de Noailles et la bistronomie moderne.
15h00. Le final est consacré à la force la plus puissante de la ville : la nature. La mi-novembre offre ici son avantage le plus décisif. En été, les Calanques sont une expérience dégradée par la chaleur, la foule et les risques d’incendie. En novembre, la météo douce et les sentiers vides transforment l’épreuve en un moment sublime. Deux options s’offrent : l’option “Randonnée” (Bus 21 jusqu’à Luminy, puis 45 min de marche vers Sugiton) ou l’option “Paysage” (Bus 19 jusqu’au terminus, Les Goudes).
C’est aux Goudes, ce “bout du monde” marseillais, que le reportage doit se conclure. Ce village de pêcheurs, encastré entre le roc et la mer, est la métaphore parfaite de Marseille : une ville-monde, dense et urbaine, qui se termine abruptement par la beauté minérale et l’immensité. C’est l’ultime contre-jour.

