Rio Bonito do Iguaçu : L’Apocalypse du Paraná
Rio Bonito do Iguaçu n’existe plus. Les 7 et 8 novembre 2025, une tornade EF3, qualifiée de “sans précédent”, a rayé cette municipalité brésilienne de la carte. Le bilan est tragique : 6 morts, plus de 750 blessés. Récit d’une apocalypse annoncée et de la course contre la montre qui s’engage.
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“On aurait dit une bombe atomique” : L’heure de la tornade
Le crépuscule du vendredi 7 novembre 2025 a apporté les ténèbres avant la nuit. Pour les habitants de Rio Bonito do Iguaçu, une petite municipalité du centre-sud de l’État du Paraná, le ciel n’était pas seulement menaçant ; il était assassin. Quand la tornade a frappé, elle n’a pas fait de distinction. Adilson Camilo, un résident, a vécu la désintégration de son foyer en temps réel. “On aurait dit que quelqu’un avait lâché une bombe atomique”, a-t-il raconté aux médias, encore sous le choc.
Son témoignage décrit une progression d’une horreur absolue. “Tout a commencé à voler. Les tuiles, les murs. Tout ce que vous pouvez imaginer”, a-t-il poursuivi. La famille s’est d’abord précipitée vers la salle de bain, refuge traditionnel en cas de tempête. Mais face à une force EF3, avec des vents dépassant 250 km/h, la maçonnerie n’offre aucune protection. “La salle de bain a volé, elle a commencé à se fissurer. Nous avons couru vers la chambre d’amis et elle a commencé à s’effondrer. Nous avons couru vers notre chambre, nous nous sommes serrés dans les bras les uns des autres et avons prié Dieu”, a relaté le survivant.
Pour la famille Kwapis, la prière n’a pas suffi. Leur fille de 14 ans, Julia, est devenue le visage tragique de la catastrophe. Elle se trouvait chez une amie et a été surprise par la furie des éléments sur le chemin du retour. Ses parents, Roberto et Mari Kwapis, ont décrit la nuit d’angoisse qui a suivi, sans aucune nouvelle. Ce n’est qu’à 6 heures du matin, le samedi, qu’ils ont appris qu’elle avait été retrouvée et transportée à l’hôpital de Laranjeiras do Sul, une ville voisine.
“Elle a été jetée, elle a été traînée”, a lamenté sa mère. À son arrivée à l’hôpital, son état était déjà désespéré, décrit par les médecins comme un “grau quatro de sobrevivência” (niveau quatre de survie). Julia n’a pas survécu à ses blessures.
Les Visages de la Tragédie
Le bilan humain, froid et statistique, s’est rapidement stabilisé, mais la douleur, elle, ne fait que commencer. Le gouvernement de l’État du Paraná a officiellement identifié les six victimes décédées lors de la catastrophe. L’éventail des âges, de 14 à 83 ans, illustre une tragédie qui a frappé toutes les générations.
- José Neri Geremias, 53 ans (originaire de Guarapuava)
- Julia Kwapis, 14 ans (originaire de Rio Bonito do Iguaçu)
- Jurandir Nogueira Ferreira, 49 ans (originaire de Rio Bonito do Iguaçu)
- Claudino Paulino Risse, 57 ans (originaire de Rio Bonito do Iguaçu)
- Adriane Maria de Moura, 47 ans (originaire de Rio Bonito do Iguaçu)
- José Gieteski, 83 ans (originaire de Rio Bonito do Iguaçu)
Anatomie d’un “Monstre” Météorologique
Pour les autorités et les scientifiques, la question n’était pas seulement de gérer le chaos, mais aussi de comprendre la nature de ce qui l’avait provoqué. Le Simepar (Système de Technologie et de Surveillance Environnementale du Paraná) a rapidement confirmé les craintes : il s’agissait bien d’une tornade.
Ce phénomène n’est pas né ex nihilo. Pour les météorologues, c’était la “recette” parfaite du désastre. Un puissant cyclone extratropical s’est formé sur le sud du Brésil, générant un front froid qui s’est déplacé vers le nord. Ce front a provoqué une collision explosive entre deux masses d’air : de l’air très froid avançant depuis l’Argentine et de l’air anormalement chaud et humide stationnant sur le Paraná. Ce jour-là, la ville voisine de Guarapuava avait enregistré une température record de 34,5°C, la plus élevée pour un mois de novembre depuis 2001.
Ce conflit thermique a généré d’immenses nuages de tempête (cumulonimbus). Près de Rio Bonito do Iguaçu, l’un de ces nuages a connu un “développement plus intense”, se transformant en une supercellule. C’est cette structure nuageuse rotative qui a donné naissance au vortex mortel.
La classification de sa puissance a été immédiate. Le Simepar l’a d’abord classée F2 sur l’échelle de Fujita (vents de 180 à 250 km/h). Cependant, l’analyse des dégâts — des silos à grains de plusieurs tonnes et des stations-service entières mis à terre — a fourni des “indices forts” que les vents avaient dépassé 250 km/h. La classification a été revue à la hausse : EF3.
Le gouverneur de l’État, Ratinho Jr., a qualifié l’événement de “catastrophe sans précédent dans l’histoire du Paraná”. Si la violence était inédite, la localisation ne l’était pas. Une étude de l’Université d’État de Ponta Grossa (UEPG) a révélé que la région sud du Brésil est une véritable “allée des tornades”, concentrant 70 % des 581 tornades enregistrées dans le pays au cours des 43 dernières années.
Le Jour d’Après : “Nous n’avons plus de ville”
À l’aube du samedi 8 novembre, les survivants sont sortis de leurs abris précaires pour découvrir un paysage d’apocalypse. Les images aériennes diffusées dans la matinée montraient une ville qui n’existait plus. La Défense Civile a décrit un “scénario de guerre”.
Les chiffres officiels brossaient un tableau statistique de l’anéantissement. Près de 700 maisons ont été endommagées. Plus de 1 000 personnes ont été classées comme “desalojadas” (déplacées, ayant trouvé refuge chez des proches) et 30 comme “desabrigadas” (sans abri, dépendant des refuges publics). Au total, plus de 14 000 personnes ont été directement affectées.
L’estimation la plus brutale est venue du gouvernement de l’État : 90 % de la zone urbaine de Rio Bonito do Iguaçu a été affectée ou détruite.
Le maire de la ville, Sezar Augusto Bovino, dont la municipalité compte un peu plus de 13 000 habitants, était l’image même du désespoir. Il a confié aux journalistes se sentir “sem rumo” (sans direction, à la dérive). Sa conclusion fut sans appel : “La ville devra être reconstruite à partir de zéro”.

Imagem: Jonathan Campos/Agência de Notícias do Paraná
Cette déclaration n’était pas une hyperbole. La tornade avait provoqué une “cascade de défaillances” systémiques. La ville a été plongée dans le noir et le silence.
- Électricité : La Copel, compagnie d’électricité du Paraná, a signalé des dégâts catastrophiques à son infrastructure. Plus de 280 poteaux électriques et trois tours de haute tension ont été abattus. En conséquence, 3 790 foyers, soit 75 % des clients de la municipalité, ont été privés d’électricité. Plus de 100 techniciens ont été mobilisés en urgence.
- Eau : Sans électricité pour alimenter les pompes, le système d’eau s’est effondré. La Sanepar, compagnie des eaux, a confirmé que son “système principal d’approvisionnement était inopérant”. Un plan d’urgence a été activé, avec l’envoi de quatre générateurs et de trois camions-citernes (“caminhões-pipa”) pour assurer une distribution d’eau potable d’urgence aux survivants.
La catastrophe a même paralysé le calendrier national : l’application des épreuves de l’ENEM (l’examen national de fin d’études secondaires) a été immédiatement suspendue dans la ville.
| Catégorie | Données Clés (au 8 novembre 2025) |
| Phénomène | Tornade confirmée, classée EF3 |
| Vents | Vents dépassant les 250 km/h |
| Bilan Humain | 6 morts (identifiés) |
| ~750 blessés | |
| > 1 000 “desalojados” (déplacés) | |
| > 14 000 personnes affectées | |
| Impact Matériel | 90% de la zone urbaine affectée |
| ~700 maisons endommagées | |
| Impact Infrastructures | 75% de la ville sans électricité |
| Système d’approvisionnement en eau “inopérant” | |
| Services Perturbés | Examen national (ENEM) suspendu |
La Riposte : Une “Força-Tarefa” face au Chaos
Face à l’ampleur de la dévastation, la réponse de l’État du Paraná a été immédiate. Le gouverneur Ratinho Junior (PSD) s’est rendu sur les lieux dès le samedi matin, après avoir dirigé une réunion d’urgence depuis le quartier général des pompiers à Curitiba.
Son premier acte a été de signer un Décret d’État de Calamité Publique. Cet outil juridique est fondamental : il permet au gouvernement de contourner la bureaucratie, notamment en dispensant des appels d’offres (licitações) pour les achats d’urgence, en mobilisant des fonds immédiats et en faisant officiellement appel à l’aide fédérale.
Sur le terrain, une “força-tarefa” (force opérationnelle) a été déployée. Plus de 50 pompiers ont été envoyés sur zone, dont 20 membres du GOST (Groupe d’Opérations de Secours Tactique), l’unité d’élite de la corporation, accompagnée de chiens de recherche. Des renforts sont arrivés de tout l’État, notamment de Cascavel. Les recherches dans les décombres se sont terminées le samedi soir, aucune personne n’étant officiellement portée disparue.
Le système de santé local étant inexistant, la réponse a dû être régionale. Les hôpitaux des villes voisines de Laranjeiras do Sul, Guarapuava et Cascavel ont été mobilisés pour recevoir le flux de blessés. Plus de 437 personnes ont été prises en charge dans les premières heures. L’État a envoyé d’urgence 1 000 unités de sérum physiologique et 1 000 unités de soluté de Ringer pour approvisionner les salles d’urgence débordées.
Simultanément, la Défense Civile a commencé à distribuer l’aide matérielle la plus urgente : 2 600 bâches (pour couvrir ce qui restait des maisons), 900 paniers alimentaires de base, des matelas et des kits d’hygiène.
L’Union Nationale : Quand Brasília Intervient
La nouvelle de la catastrophe a rapidement atteint la capitale fédérale. Le président Luiz Inácio Lula da Silva (PT), bien qu’en déplacement en Colombie pour un sommet de la CELAC, a exprimé sa solidarité et a ordonné une réponse fédérale immédiate.
Le samedi même, le président a dépêché sur place deux de ses ministres : Gleisi Hoffmann (Relations Institutionnelles) et Adriano Massuda (ministre de la Santé par intérim).
Cette mobilisation a mis en lumière une “union sacrée” politique. Le gouverneur Ratinho Jr. (du PSD, un parti d’opposition) et l’administration Lula (du PT) ont mis de côté leurs différends. La présence de Gleisi Hoffmann, figure majeure du PT, survolant la zone dévastée aux côtés des autorités de l’État, a envoyé un signal fort d’unité nationale. “Je ne me souviens pas avoir vu une catastrophe naturelle de cette dimension dans l’État du Paraná”, a-t-elle déclaré.
Plus important encore, le gouvernement fédéral a fait preuve d’une agilité bureaucratique remarquable. Le ministère de l’Intégration et du Développement Régional (MIDR) a reconnu l’état de calamité de Rio Bonito do Iguaçu en utilisant le “Rito Sumário” (procédure sommaire). Normalement, la reconnaissance fédérale nécessite une documentation complexe. Mais dans ce cas, le ministre Waldez Góes a validé la calamité “sommairement” le jour même, en se basant sur les reportages des médias et les informations des autorités, avant même la réception des documents officiels. Cette décision a permis le déblocage immédiat des ressources fédérales.
L’aide fédérale concrète a suivi :
- Santé : Envoi de la Força Nacional do SUS (Force Nationale du Système Unique de Santé). Cette équipe comprend des professionnels de santé expérimentés, dont certains ont travaillé pour Médecins Sans Frontières, pour aider au diagnostic, au traitement des victimes et au soutien psychologique.
- Social : Le ministère du Développement Social a promis des paniers alimentaires et une aide au logement. Le gouvernement a également annoncé étudier la possibilité de libérer les fonds de garantie des travailleurs (FGTS) pour les victimes.
Reconstruire sur les Ruines : La Vague de Solidarité
Alors que la phase de recherche et de sauvetage s’achevait, la tâche titanesque de la reconstruction commençait. Le gouverneur Ratinho Jr. a promis une force opérationnelle dédiée à la reconstruction des maisons, en collaboration avec la Cohapar (compagnie de logement de l’État) et le CREA (Conseil des ingénieurs) pour évaluer la viabilité des structures restantes.
Dans un geste politique fort, l’Assemblée législative du Paraná a convoqué des sessions extraordinaires pour le dimanche 9 novembre. L’objectif était non seulement d’homologuer le décret de calamité, mais aussi de modifier le “Fonds de Catastrophe” de l’État pour permettre des transferts directs d’argent aux familles affectées.
Parallèlement à cette action institutionnelle, une “économie parallèle de l’aide” s’est mise en place, illustrant l’immense vague de solidarité qui a déferlé sur le pays.
- L’Église : La Cáritas Diocesana de Guarapuava, soutenue par la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), a lancé une campagne de dons via une clé PIX (CNPJ).
- Les ONG : L’ONG nationale “Ação da Cidadania”, connue pour ses campagnes contre la faim, a activé son fonds “Emergências”, collectant des fonds par PIX pour acheter de la nourriture et de l’eau potable.
- Le Crowdfunding : Des dizaines de cagnottes en ligne (Vakinha) ont été créées, comme celle d’Angelica Marquardt, promettant d’utiliser les fonds pour des médicaments, de la nourriture et des matériaux de construction.
- Les Villes Voisines : Des municipalités comme Curitiba et Apucarana ont ouvert des points de collecte officiels pour les dons matériels (vêtements, eau, produits d’hygiène).
La solidarité a été si immédiate et si massive qu’elle a créé un paradoxe logistique. Dès le samedi, la Défense Civile de l’État a dû demander au public de suspendre temporairement les dons, le temps d’évaluer les besoins réels et d’éviter un engorgement inutile.
La reconstruction de Rio Bonito do Iguaçu sera, selon les termes des secouristes, “délicate”. Comme l’a dit le maire Sezar Bovino, “on ne reconstruit pas une vie si facilement”. Rayée de la carte par une force de la nature “sans précédent”, la ville est devenue en quelques heures un symbole national de la vulnérabilité du Brésil face aux extrêmes climatiques, mais plus encore, de l’extraordinaire capacité de son peuple à s’unir dans la tragédie.
Comment Aider
Pour ceux qui souhaitent contribuer à l’effort de secours et de reconstruction, plusieurs canaux de dons officiels et vérifiés ont été mis en place par des organisations reconnues, ici si vous aidez au Brésil, vous pouvez faire un don :
- Cáritas Diocesana de Guarapuava (Aide de l’Église) :
PIX (CNPJ) : 48.791.935/0001-60
- Ação da Cidadania (ONG Nationale) :
PIX (E-mail) : sos@acaodacidadania.org.br
- Vakinha (Exemple de crowdfunding) :
PIX (Clé aléatoire) : 5798300@vakinha.com.br
- Dons Matériels :
Le Programme de Volontariat du Paraná (Provopar) et les mairies locales (comme Curitiba) organisent des collectes. Il est conseillé de vérifier les besoins spécifiques, la Défense Civile ayant demandé une pause dans les dons non coordonnés.

